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2022 : une année consacrée à l’égyptologie !

Deux cents ans après le déchiffrement des hiéroglyphes en 1822 par Champollion, les égyptologues ont partagé l’actualité de la recherche et les nouveaux chantiers de l’archéologie en Égypte lors d’une semaine consacrée en mai 2022. Retour sur le colloque dédié aux "Avancées et perspectives de l'archéologie égyptienne".

Au terme de deux siècles de recherches scientifiques, l’égyptologie est aujourd’hui une discipline moderne, qui s’investit dans des domaines très variés.

Une semaine de manifestations a été organisée du 16 au 20 mai 2022 avec pour objectif de présenter toute la richesse et toute la diversité la recherche en égyptologie en ce début de XXIe siècle, de ses nouvelles approches aux nouveaux terrains qu’elle a investis, en passant par le renouvellement des technologies employées aussi bien dans la fouille et la prospection archéologique que dans l’étude des textes et de leur matérialité.

Le colloque du 16 mai dédié aux "Avancées et perspectives de l'archéologie égyptienne" avait pour objectif de présenter les principales avancées de l’archéologie égyptienne ces vingt dernières années. Retour sur cet événement avec les organisateurs Pierre Tallet, professeur d’égyptologie et Chloé Ragazzoli, maîtresse de conférences HDR en égyptologie et présidente de la Société française d’égyptologie (SFE).


La semaine dédiée à Champollion a rencontré un vif succès, comment expliquez-vous cet engouement pour l’écriture égyptienne et les nouveaux chantiers de l’archéologie en Égypte ?

Chloé Ragazzoli et Pierre Tallet : Je crois qu’il se dégage de l’Egypte quelque chose de l’ordre du « merveilleux », au sens littéraire du terme, d’à la fois familier – elle appartient à l’histoire humaine – et d’étrange, tout y est extrêmement dépaysant. Elle appartient à une réalité historique, factuelle, mais qu’on ne peut pas complètement expliquer et qui parle à nos fantasmes et goût pour le grandiose, du démesuré, de l’autre monde, du trésor, de l’homme fort. C’est aussi une civilisation qui semble grandiose par ses réalisations les plus célèbres – les pyramides, le temple de Karnak – mais qui a disparu et qui nous renvoie à l’idée que « nous autres civilisations sommes mortelles »
L’idée aussi de trésors cachés qu’il reste à dévoiler participe de ce même attrait, empreint de nostalgie et d’étonnement. La figure de Champollion est un véritable lieu de mémoire qui incarne mieux que tout autre chose cette situation : la médiatisation de sa découverte par ses contemporains comme l’histoire populaire en ont dressé le portrait d’un génie isolé qui a levé le voile sur le mystère, rendu la parole aux Pharaons.
Par ailleurs, le territoire égyptien, en grande partie désertique, ancrage d’une civilisation qui a duré plus de 3000 ans et exploré par les archéologues, est effectivement extrêmement riches en vestiges, encore largement inconnus : des villes entières, localisées, restent à mettre au jour, les déserts ont récemment fourni des données exceptionnelles pour la connaissance de l’Egypte ancienne comme pour celle de l’épopée humaine, comme le port de Chéops et les archives des constructeurs de pyramide mis au jour par Pierre Tallet au ouadi Jarf, au bord de la mer Rouge.
 

Sur quelles conclusions avez-vous terminé le colloque du 16 mai "Avancées et perspectives de l'archéologie égyptienne" ?

Chloé Ragazzoli et Pierre Tallet : La journée du 16 mai était consacrée précisément aux grands travaux de terrain engagés ces vingt dernières années avec une série de conférences spécifiquement choisies pour mettre en évidence les progrès réalisés ces dernières années dans notre compréhension de la civilisation pharaonique. De souligner, en somme, ce qui fait qu’en 2022, un manuel d’histoire qui la présente diffère profondément de celui qui aurait pu être rédigé il y a 20 ou 30 ans.  
Ce bilan festif a permis de marquer le renouvellement profond de nombreux champs d’études de l’égyptologie. Naguère encore très largement tournée vers l’enregistrement des données, la publication documentaire, l’établissement de la chronologie et de la succession royale, la discipline s’est également impliquée dans de très nombreux sujets d’étude qui sont davantage en relation avec l’évolution des sciences historiques dans le monde occidental depuis l’après-guerre. Anthropologie, ethnologie, sociologie et histoire économique y sont régulièrement convoquées, et l’égyptologie trouve à présent pleinement sa place dans les sciences humaines actuelles.
Le colloque organisé à la BnF sur la recherche sur les textes égyptiens 200 ans après Champollion a mis en avant l’importance de retrouver un regard au plus près des manuscrits et des parois inscrites, pour prendre en compte tous les éléments visuels de l’écriture et du texte, au-delà du seul contenu linguistique, comme déjà Champollion le faisait, lui qui voyait l’art et l’écriture comme les membres d’un même continuum en Egypte ancienne. Cela se manifeste par des études sur l’écriture énigmatique ou les signes hiéroglyphiques.
 

Cette semaine d’échanges avec des experts internationaux a-t-elle vu l’émergence de nouvelles synergies et de nouvelles collaborations à venir ?

Chloé Ragazzoli et Pierre Tallet : Nous avons pu en particulier renouveler nos liens avec des collègues égyptiens attachés à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université depuis longtemps, comme El-Sayed Mahfouz, professeur à l’Université de Koweit et qui travaille comme l’équipe de la Faculté sur la région de la Mer Rouge à l’époque pharaonique. De façon plus générale, la réunion à Paris des principaux responsables de chantiers archéologiques et des plus grands spécialistes des différents aspects de notre discipline a permis d’engager la discussion sur des thèmes très variés, et d’envisager de nombreuses collaborations entre notre université et de nombreux instituts de recherche. Celles-ci ouvrent, entre autres, de nouvelles possibilités pour nos étudiants de travailler sur le terrain en Egypte.
 

Quelles sont les prochaines dates importantes à venir dans le domaine de l’archéologie en Egypte et vos prochains projets?

Chloé Ragazzoli et Pierre Tallet : Le laboratoire Orient et Méditerranée de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université (UMR 8167) continue l’exploration du côté de la mer Rouge et du système portuaire et minier qui y opérait dans l’Antiquité, avec la réouverture du site du Gebel Zeit, à plus de 300 km au sud de Suez. Ce site d’exploitation de la galène, a été occupé dès les premiers temps de l’histoire égyptienne (c. 3000 av. J.-C.) et a fonctionné jusqu’à la fin du Nouvel Empire (c. 1200 av. J.-C.). Une quinzaine d’autres d’opérations de terrain en Egypte et au Soudan (fouilles archéologiques, prospections, missions d’étude) dépendent par ailleurs de notre laboratoire « Mondes pharaoniques », composante de l’UMR 8167 « Orient et Méditerranée », dont Sorbonne Université est l’une des principales tutelles. Le programme ECRITURES (SU-Ifao) qui étudie les pratiques lettrées de l’Egypte ancienne organisera en 2023 avec le programme transversal du laboratoire Orient et Méditerranée « Spectacles d’écritures » un colloque international de clôture au Caire sur la représentation et l’efficience des actes d’écriture.

L’année Champollion ne fait que commencer et d’autres célébrations sont prévues au cours de l’année, en France comme en Egypte et dans différents pays d’Europe !

 

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