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Archéologies des transidentités : mondes médiévaux

Ce colloque interroge les formes de fluidités qui remettent en question les frontières du genre à l’époque médiévale.

  • Du 24 nov. 2021 au 26 nov. 2021

  • 09:00 - 17:00
  • Salle des Actes en Sorbonne et salle 108, barre 44-45 sur le Campus Pierre et Marie Curie.

Colloque international co-organisé par Sophie Albert (Sorbonne Université, EA4349) et Clovis Maillet (ESAD Angers/EHESS).

Modalités d'inscription : Envoyer sa demande par mail en indiquant ses nom et prénom.

Nous connaissons une trentaine de textes hagiographiques de l’Antiquité tardive au XVe siècle évoquant des saintes et des saints ayant passé partie ou totalité de leur vie sous une apparence et une identité qui n’était pas congruente avec leur genre assigné à la naissance. Les sources judiciaires révèlent plusieurs cas de personnages ayant passé une partie de leur vie sous une identité masculine, et une autre féminine. Dans les textes en ancien français, ces fluctuations de genre se disent dans une plasticité du genre (grammatical) qui n’a pas d’équivalent en français moderne. Est-ce à dire que le monde médiéval était ouvert à ce que nous appelons aujourd’hui transidentités ? Est-ce jouer des anachronismes que d’importer des concepts issus de la théorie et de l’activisme contemporains pour envisager les fluidités de genre à l’époque médiévale ?

Ce colloque s’inscrit dans une vision critique et historicisée des questions et des régimes de genre. Depuis les années 1990 et l’émergence de la théorie queer, sous l’impulsion de Teresa de Lauretis, des penseurs, penseuses et des activistes se sont tournés vers l’histoire, et ont remis en cause de la binarité de genre exclusive dans les siècles passés (Leslie Feinberg). Mais alors que les études queer, les études trans et l’histoire du mouvement LGBTQI+ se développent, il semble nécessaire de mobiliser davantage les sources anciennes. Sam Bourcier proposait déjà en 1999 de passer au prisme queer le terme utilisé par les historiennes et historiens de « travestissement », issu d’une terminologie pénale et psychiatrique, et de lui substituer l’expression « pratiques transgenres ». Son article fut publié au sein du numéro Femmes travesties : un mauvais genre de la revue Clio, dirigé par Christine Bard et Nicole Pellegrin, en même temps qu’un article de Frédérique Villemur sur les « saintes travesties ». Ce numéro a marqué les études francophones sur la question : nous souhaiterions lui faire écho vingt ans plus tard.
Le titre du colloque, « Archéologies des transidentités », invite à resituer le genre ou les genres (on préfèrera le pluriel, si l’on considère que le terme au singulier renvoie à un binarisme qu’il s’agit précisément de contester ou de remettre en cause) au sein d’un spectre plus large de critères définissant la personne : ordre ou classe sociale, confession, règne humain, animal, végétal. Dans une perspective inspirée par l’approche intersectionnelle, on interrogera les formes de fluidité qui remettent en question non seulement les frontières des genres, mais aussi leurs rapports avec ces autres critères. En effet, il est rare que la question du genre se pose indépendamment d’autres variables et que les transitions de genre ne s’accompagnent pas d’autres modes de dépassements.
Dans les conceptualisations modernes du genre, la distinction sexe/genre dépend de la différence nature/culture. Or à l’époque médiévale, les concepts de « nature » et de « naturel » sont polysémiques, et non superposables avec leurs équivalents actuels. La différence entre nature et culture (plutôt exprimée par le terme « norreture ») n’a pas le même sens qu’à partir des XVIIe-XVIIIe siècle, période de la « naturalisation » du monde (Donna Haraway, Bruno Latour et Philippe Descola). On pourrait défendre qu’il n’y a que du genre au Moyen âge, et pas un sexe biologique d’un côté et un genre social de l’autre. Corollairement, avant le XVIe siècle, la plupart des langues vernaculaires ne font pas l’objet de codifications grammaticales ; la littérature ne relève pas des classifications génériques que l’époque moderne s’attachera à définir ; sauf circonstances particulières, l’image n’est pas régulée par les autorités ecclésiastiques. De ce fait, on observe une grande labilité dans l’expression et la représentation des genres.
Enfin, dans la pensée chrétienne, la répartition du masculin et du féminin n’est pas nécessairement soumise aux caractéristiques que l’on assigne aujourd’hui à chaque sexe. En effet, l’appréhension morale du sujet infléchit la pensée du genre : le masculin et le féminin sont hiérarchisés d’un point de vue axiologique, ce qui est masculin étant considéré comme plus parfait que ce qui est féminin ; mais tout individu peut performer des qualités de genre diverses. En outre, des concepts comme l’engendrement ou l’allaitement, envisagés en termes spirituels, peuvent se déplacer entre le masculin et le féminin, mais aussi entre l’humanité et l’animalité ou le terrestre et le divin.

Ce colloque, conçu dans une perspective transdisciplinaire, fait dialoguer des spécialistes de différentes aires culturelles et de différents champs de la recherche médiévistique. Il espère ouvrir à des échanges, des partages et des discussions sur des questions du passé qui invitent à repenser les enjeux du présent.

Projet inscrit dans les activités de Philomel-Initiative Genre et de l'EA 4349 "Etudes et éditions de textes médiévaux" de Sorbonne Université, en partenariat avec la MSH Ange Guépin (projet TRANS), le laboratoire TEMOS (UMR CNRS 9016) et l’ESAD TALM, et soutenu par la mission Egalité de Sorbonne Université, le Ministère de la Culture (DGCA) et la fondation Khôra-Institut de France.

Atelier d'écriture créative

Participez le vendredi 26 novembre 2021, de 14h30 à 18h en Sorbonne, salle des Actes à un atelier d'écriture créative !

Animé par Sophie Albert (Sorbonne Université, UFR de littérature française et comparée) et Clovis Maillet (ESAD Angers / EHESS).

Cet atelier vise à donner une visibilité aux questions de genres et de transidentités dans les mondes médiévaux, au-delà des spécialistes de cette période. Ouvert à toutes les personnes intéressées par ces questions, il ne requiert aucune compétence particulière dans le domaine de la médiévistique. Il part de supports textuels et iconographiques convoqués comme sources d’inspiration plutôt que comme modèles : on en fait collectivement une lecture libre pour en dégager des idées, des pistes, des images ou des jeux langagiers que chacun et chacune peut mobiliser à sa guise dans l’écriture.
Cette écriture est guidée mais non contrainte : il ne s’agit pas pour les participantes et participants d’imiter ni d’écrire « à la manière de », mais bien d’imaginer, d’inventer et de formuler avec leur regard et leur langage propres.

L’enjeu est ainsi d’articuler la réflexion universitaire et l’écriture personnelle ; d’inviter à une lecture-écriture plaisir, par le réinvestissement subjectif des textes et des matériaux proposés ; d’ouvrir à une appropriation créative des questions de genres et de transidentités.

Modalités d'inscription : Envoyer sa demande par mail en indiquant ses nom et prénom.