Siah Armajani, pragmatisme et anarchie (1957-1988)

Par Valérie Mavridorakis

Les presses du réel

L'art de Siah Armajani (Téhéran 1939 – Minneapolis 2020) est surtout identifié aux œuvres publiques qu'il a réalisées, aux États-Unis et en Europe, à partir des années 1980. Ces sculptures fonctionnelles, qui empruntent au vocabulaire de l'architecture et du mobilier, répondent à son projet d'un art démocratique fondé sur des formes communes. Analysant des œuvres peu ou jamais étudiées jusqu'alors, cet ouvrage retrace les étapes de l'élaboration de ce projet et décrit sa complexité à travers les chausse-trapes qu'il réserve souvent à ses spectateurs-usagers.
C'est à Téhéran qu'Armajani commence à réaliser des collages associant des motifs et des fragments de poèmes emblématiques de sa culture persane. Après son exil aux États-Unis en 1960, l'assemblage restera sa méthode constante jusque dans la diversité des expérimentations auxquelles il se livrera dans sa recherche d'un langage artistique partageable malgré les différences linguistiques et culturelles. Ainsi, après n'avoir utilisé que des mots, réduira-t-il ses œuvres à des nombres obtenus par calcul électronique. À la fin de la décennie, cet outil lui permettra de concevoir des architectures utopiques. Pourtant, c'est bien dans un registre apparemment opposé, celui des constructions humbles et familières, qu'Armajani va ancrer le pragmatisme de son art. Dès lors, ses architectures-sculptures allégoriseront autant les idéaux que les contradictions de la démocratie américaine avant d'être dédiées à des figures de l'anarchie.


Valérie Mavridorakis est professeure d'histoire de l'art contemporain à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université et membre du Centre André Chastel. Elle a enseigné à l'université Rennes 2 puis à la Haute école d'art et de design de Genève. Spécialiste de l'art américain, ses recherches prennent appui sur la période des années 1960-1970 et s'intéressent aux diverses problématiques culturelles soulevées par les œuvres.