Gabriel-Lucchini

Gabriel Lucchini

Doctorant en philosophie, chargé d’analyse à la direction Mission et impact de la MAIF

À l’issue du master, je souhaitais réaliser une thèse utile à la Cité, la place première du philosophe et suivre une formation professionnelle qui me permettrait d’avoir plusieurs options à la sortie du doctorat.

Gabriel Lucchini, philosophe de l’école Concepts et langages et rattaché au Laboratoire Sciences, normes, démocratie nous raconte son parcours, son rôle à la MAIF et ses ambitions pour l’avenir. 


Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?

Gabriel Lucchini : Après l’obtention de deux licences, une en philosophie et une en sociologie, j’ai poursuivi en master de philosophie politique et éthique à la faculté des lettres de Sorbonne Université. À l’issue du master, je souhaitais réaliser une thèse utile à la Cité, la place première du philosophe et suivre une formation professionnelle qui me permettrait d’avoir plusieurs options à la sortie du doctorat.

Comment avez-vous choisi votre sujet ? 

G.L. : J’ai d’abord choisi mon directeur de thèse, Pierre-Henri Tavoillot, qui est très investi dans la professionnalisation des doctorantes et doctorants en lettres. C’est lui qui m’a aidé, notamment grâce à son réseau, à entreprendre une thèse CIFRE (Convention industrielle de formation par la recherche) à la MAIF. Pour obtenir ce type de financement, soit le candidat trouve sur le site de l’ANRT un sujet proposé par une entreprise ou une organisation, soit il suscite la création d’un poste en construisant un sujet de thèse ayant des enjeux économiques, puis en réalisant ensuite les démarches pour obtenir cette convention. Pour ma part, c’est la deuxième option que j’ai choisie.

Vous êtes doctorant à la MAIF : sur quel sujet travaillez-vous ? 

G.L. : La MAIF est une assurance mutualiste. Historiquement, l’assurance moderne a pris son essor avec le développement de la société industrielle au XIXe siècle et l’apparition de l’État-providence prenant en charge des risques devenus systémiques. Je décris un potentiel renversement de paradigmes, de la mutualisation « aveugle » des risques à leur hyper-segmentation, induisant le grand retour de la responsabilité individuelle dans le monde de l’assurance. Pour les assureurs privés, cela impliquerait de personnaliser (et donc de démutualiser) toujours davantage leurs services, notamment en exploitant les outils numériques offerts par la troisième révolution industrielle ; pour l’État, à épouser progressivement la forme d’un « État-préventeur », qui concurrencera sa fonction providentielle. Là où l’État-providence couvrait de façon aveugle les risques des citoyens, l’État-préventeur s’adressera à l’individu et sanctionnera ses comportements à risques. Ainsi apparaît donc la possibilité d’un nouveau contrat social, fondé sur la responsabilité individuelle. 

Au travers de mon projet doctoral, j’apporte donc un regard scientifique sur ces éléments et les problématiques philosophiques qui leur sont attachées. J’avance notamment des hypothèses et j’évalue les risques à court, moyen et long terme pour un assureur mutualiste qui renoncerait à faire évoluer ses pratiques actuarielles et subirait la concurrence d’assureurs qui iront vers « l’assurance sur-mesure ». Sur le plan sociétal, la véracité de cette thèse pourrait avoir des effets très importants. Je n’exclue donc pas d’en faire un ouvrage. 

Comment avez-vous organisé votre travail de thèse ? 

G.L. : J’ai travaillé 2 ans et demi à raison de 4 jours par semaine à la MAIF. À partir d’octobre, je me consacrerai pendant 6 mois à la rédaction de mon manuscrit. Mon contrat prendra fin en avril 2023. Cette mission m’a permis de travailler sur des sujets sans rapport particulier avec la philosophie ou ma thèse et de me former à un métier. Cela m’a permis de goûter aux relations extérieures, à la diplomatie, au management d’équipe. J’ai produit 2 études de cas, 2 chapitres d’un ouvrage collectif qui va bientôt sortir et deux articles. 
L’entreprise a acquis en 2020 la qualité de société à mission : intégrant dans ses statuts des objectif extra-financiers. Mon travail consistait essentiellement à fournir un regard « méta » au pilotage de sa mission.

Quel est votre projet professionnel ?

G.L. : Je ne souhaite pas poursuivre dans l’académique. Je me vois philosophe d’entreprise, consultant dans un cabinet de consulting ou rejoindre le monde politique, avoir une fonction dans un parti ou dans un think tank. 

Quels sont les conseils que vous donneriez aux candidates et candidats pour une CIFRE ? 
G.L. : Tout d’abord, choisissez bien votre directeur de thèse, sur le plan professionnel mais surtout humain. Ensuite, pour déposer un dossier à l’ANRT, armez-vous de patience et soyez rigoureux. Aucun document ne doit manquer. Lors de la présentation de votre projet à l’entreprise, vous devez vous être  sérieusement intéressé à elle. Il faut aussi que vous expliquiez pourquoi votre sujet revêt un intérêt stratégique, au-delà de scientifique. Par exemple, vous pouvez mettre en avant, que grâce à vous, elle aura accès aux travaux d’un laboratoire, et plus largement aux dernières productions académiques sur certaines problématiques. Vous pourrez aussi produire des articles pour valoriser son modèle... Avoir un sujet séduisant ne suffit pas, il faut que l’entreprise prenne conscience de son intérêt véritable.