Laura-Jane DUQUESNEY

Doctorante au sein du centre de recherche Eur’ORBEM

Les frontières de la Moldavie post-soviétique

Doctorante au sein du centre de recherche Eur’ORBEM, Laura-Jane Duquesney travaille sur les frontières politiques, économiques et culturelles de République de Moldavie, petit pays d’Europe centrale frontalier de la Roumanie et de l’Ukraine.

Thèse sous la direction d’Aleksandr Lavrov, professeur des universités, Faculté des Lettres Sorbonne Université. 
Crédit photo : Laura-Jane Duquesney

"En République de Moldavie cohabitent des peuples très divers qui se réunissent une fois par an dans la capitale pour célébrer leurs musiques et costumes nationaux. C’est l’occasion pour moi de nouer des contacts en vue de me rendre dans des villages frontaliers. Les Gagaouzes, chrétiens turcophones, ainsi que les Bulgares vivent pour beaucoup dans le Boudjak, une région partagée à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale entre la Moldavie et l’Ukraine."

"Au début des années 1990, des troubles ont éclaté dans le Sud-Ouest de la Moldavie, le peuple gagaouze ayant déclaré son indépendance vis-à-vis des autorités moldaves. Après avoir hésité à employer la force, celles-ci ont concédé aux Gagaouze une autonomie administrative. Ma visite guidée de la ville aux côtés d’une habitante m’a cependant fait réaliser que la langue gagaouze, tout comme la langue roumaine, sont absentes de l’espace public au profit du russe. "

"La langue russe est aussi largement utilisée à Taraclia, la « capitale » des Bulgares de Moldavie. En 2004, la ville s’est dotée d’une université qui accueille environ 200 étudiants. Les cours, de niveau licence exclusivement, y sont dispensés en bulgare et en russe. Certains étudiants choisissent ensuite de poursuivre leurs études en Bulgarie, m’a expliqué la directrice de l’établissement. "

" Du fait d’un manque chronique de moyens et de l’indifférence des autorités centrales, les ruptures des voies de transport survenues depuis la chute de l’URSS, en 1991, n’ont été systématiquement cartographiées. Ce n’est qu’en me rendant sur place que j’ai pu avoir la confirmation qu’il était impossible de se rendre en Ukraine en train au départ de Basarabeasca, la voie de chemin de fer ayant été fermée, puis démantelée du côté ukrainien. "

"Fondé au XIXe siècle par des colons allemands qui lui ont donné le nom de Leipzig, ce village situé aux confins de l’Ukraine et de la République de Moldavie a été rebaptisé à l’époque soviétique pour faire disparaître toute trace d’influence occidentale. Mes discussions avec la population locale m’ont appris que celle-ci se sentait abandonnée par les autorités centrales de Kiev et pratiquait une agriculture de subsistance. Quelques produits, comme le lait, sont vendus en Moldavie. "

"Situé sur la berge droite du fleuve Dniestr, le petit village de Lalova fait face à la région séparatiste de Transnistrie, qui bénéficie depuis 1991 du soutien économique et militaire de la Russie. Alors que l’accès à la Transnistrie depuis la Moldavie se fait quasi-systématiquement via des ponts contrôlés par les indépendantistes, une habitante m’a informé que les villageois moldaves empruntent parfois des barques pour pêcher ou pique-niquer de l’autre côté du fleuve, en toute tranquillité. "

"Les fractures, en République de Moldavie, ne sont pas seulement d’ordre linguistique et politico-administratif. Elles sont aussi religieuses : une partie des nombreux des monastères et églises orthodoxes que compte le pays est rattachée au patriarcat de Moscou, une autre au patriarcat de Bucarest. La rénovation du monastère troglodyte de Țipova, dont les éléments les plus anciens remontent au XIe siècle, illustre en tout cas le réveil religieux qui a suivi l’effondrement de l’URSS. "

"L’un des volets de mon projet de thèse est historique et cartographique : il s’agit d’utiliser des documents anciens pour suivre l’évolution des frontières de l’Europe du Sud-Est depuis le Moyen Âge jusqu’en 1991. Etant donné que l’actuel territoire de la République de Moldavie a fait partie de la Roumanie pendant l’entre-deux-guerres, de nombreuses cartes de la région sont conservées dans la capitale roumaine. "

"A Iași, capitale historique de la principauté de Moldavie, j’ai pu m’entretenir avec des enseignants à propos des nombreux étudiants venus de la République de Moldavie voisine. Son université délivre en effet des diplômes reconnus par l’Union européenne, dont la Roumanie fait partie depuis 2007. Iași est facilement accessible en train ou en bus depuis Chișinău ce qui encourage les déplacements transfrontaliers. "