Marie HÉRAULT

Doctorante en histoire de l’art au Centre André Chastel et architecte diplômée d’Etat

La fabrique de la Côte d’Azur : imaginaire paysager et transferts culturels à Nice et dans son territoire, du Grand Tour à nos jours.

Doctorante en histoire de l’art au Centre André Chastel et architecte diplômée d’Etat, Marie Hérault travaille en tant que chargée de projets culturels à la ville de Nice. Elle mène l’inventaire du patrimoine des parcs et jardins de la ville depuis octobre 2016. Ses recherches portent sur l’imaginaire paysager de la Riviera et de Nice développé et diffusé à travers une grande diversité de sources écrites et iconographiques (guides touristiques, récits de voyage, ouvrages médicaux et scientifiques, lithographies, cartes postales, affiches...) ainsi que sur les transferts culturels à l’œuvre sur ce territoire, depuis l’époque du Grand Tour*.

Thèse sous la direction d’Hervé Brunon, directeur de recherche au CNRS, Faculté des Lettres Sorbonne Université. 
Crédit photo : Marie Hérault, France, 2018

Grand Tour : Le Grand Tour est un long voyage en Europe effectué par les jeunes gens, et plus rarement les jeunes filles, des plus hautes classes de la société européenne, britannique, allemande, mais aussi française, néerlandaise, polonaise, scandinave, plus tardivement russe à partir des années 1760.

"Dans ma thèse, je m’intéresse plus spécifiquement au patrimoine associé au phénomène touristique, et notamment de villégiature hivernale, à partir de la fin du XVIIIe siècle. Parmi les dossiers d’inventaire que j’ai constitué figure la colline du château, premier site d’implantation probable du comptoir grec Nikaïa vers 350 av. J.-C, transformée à partir de 1822 en jardin public, principalement pour l’agrément des villégiateurs hivernants étrangers."

"Le premier quartier auquel je me suis intéressée pour la mission d’inventaire est celui du Mont-Boron, à l’est de la ville, dont l’urbanisation, initiée dans la seconde moitié du XIXe siècle, est étroitement liée au phénomène de villégiature hivernale sur le territoire. Le colonel anglais Robert Smith y fait édifier sa villa en 1856, emblématique belvédère sur la Baie des Anges, emprunt de références à l’architecture moghole, en souvenir de ses années de service en Inde."

"Construite en 1863, la villa Vigier inspirée de la Casa d’Oro vénitienne fut détruite en 1967. Le jardin toujours dans le quartier du Mont-Boron, constitue le premier dossier d’inventaire que j’ai élaboré, ainsi qu’un cas d’étude de ma thèse. Ce parc public, ancien jardin d’acclimatation prestigieux, est l’œuvre du célèbre jardinier en chef du service des promenades et plantations de la Ville de Paris : Jean-Pierre Barillet-Deschamps (1824-1873)."

"Je mène, parallèlement aux investigations sur le terrain (reportages photographiques, descriptions, relevés, etc.), des recherches en archives afin d’élaborer des documents graphiques, et notamment cartographiques, retraçant l’histoire et les évolutions successives des entités étudiées. Le palais de marbre à Nice incarne une belle synthèse de ce travail, puisqu’en plus de son statut de haut lieu de la villégiature, il accueille depuis 1960 le service des archives municipales de la ville, que j’ai eu l’occasion de visiter de nombreuses fois."

"Les châteaux et le parc de Valrose à Nice sont d’importants cas d’étude pour l’inventaire ainsi que pour ma thèse. Conçu par l’horticulteur Joseph Carlès (1848-1915) pour le baron russe Von Derwies en 1867, le parc mais aussi ses nombreuses fabriques ainsi que le château de Valrose constituent en effet un témoin majeur d’une époque de villégiature cosmopolite et faste sur la Riviera et à Nice en particulier à la Belle Epoque. Le site, sur lequel ont été bâtis quinze bâtiments dans les années 1960, abrite depuis la faculté des Sciences."

"Les cimetières et monuments funéraires font également partie de mon étude sur le territoire, connus pour être un rendez-vous des élites internationales, lieux privilégiés de la constitution d’une société cosmopolite depuis la fin du XVIIIe siècle. Preuve de leur attachement au territoire, certaines populations étrangères désirent être inhumées dans leur nouvelle terre d’élection, l’occasion de démonstrations architecturales éclectiques et remarquables, comme celle de la chapelle orthodoxe à bulbe du prince russe Pierre Troubetzkoy (1822-1892) dans le cimetière du vieux château à Menton."

"Mon périmètre de recherche comprend les Rivieras françaises et italiennes. J’ai donc également étudié le jardin Hanbury, situé au lieu dit de La Mortola, entre Vintimille et la frontière italienne. Les frères anglais Thomas et Daniel Hanbury, respectivement négociant commercial avec la Chine et botaniste et pharmacologue, font l’acquisition du palais Orengo en 1867 et créent un jardin d’acclimatation sur le domaine. Celui-ci est légué à l’état italien en 1960 puis confié aux soins de l’université de Gênes en 1983."

"L’enquête de terrain m’a menée jusqu’au domaine du Rayol dans le Var. Situé au pied du massif des Maures et face aux îles d’Hyères, cet ensemble de 20 hectares fut d’abord un lieu de villégiature aisée durant la première moitié du XXe siècle, puis un hôtel-casino durant l’Entre-deux-guerres avant de faire l’objet d’un projet immobilier à vocation touristique dans les années 1970. Il est acheté en 1989 par le Conservatoire du littoral, dans le but d’être définitivement protégé. Le paysagiste Gilles Clément réinvente les jardins, destinés à évoquer les associations végétales du biome méditerranéen à travers le monde (Chili central, Australie méridionale, etc.), en référence à la notion de Jardin planétaire - un projet politique d’ « écologie humaniste » qui insiste sur la responsabilité de chaque citoyen à l’égard de la biosphère toute entière."