Mauve LÉTANG
Doctorante en géographie au sein du laboratoire Espaces, Nature et Culture et du Centre d’études himalayennes
Décentralisation de la gestion de la forêt dans l’Himalaya
Doctorante en géographie au sein du laboratoire Espaces, Nature et Culture et du Centre d’études himalayennes, Mauve Létang travaille sur la gestion des forêts dans deux villages de l’Himalaya, en Inde et au Népal. Dans ces villages, il s’agit d’un élément central de la vie des habitant-e-s car ils sont à la fois des espaces de cultures vivrières, de prélèvement de bois pour la construction des maisons, pour le chauffage des foyers, pour la cuisine, pour nourrir le bétail. Elle analyse ainsi les relations de pouvoir et les distinctions sociales induites par les changements de configurations d’actrices et d’acteurs à travers la gestion de ces espaces.
Thèse sous la direction d’Olivier Sevin (Sorbonne Université) et par Frédéric Landy (Institut Français de Pondicherry)
Crédit photo : Mauve Létang
"Je travaille dans le cadre du programme de recherche AQAPA (« À qui appartient le paysage en Asie ? ») financé par l’Agence Nationale de la Recherche. Ce programme me permet de collaborer sur le terrain ou ailleurs avec différent-e-s chercheur-e-s spécialistes du monde asiatique et de m’ouvrir à des thématiques de recherche différentes des miennes. Ici, mon collègue Pierre prend en photo mes autres collègues du programme lors d’une mission de terrain en Inde en 2015."
"Siddhing, le premier village que j’étudie, est situé dans le massif des Annapurna au Népal, entre 1700 m et 4000 m d’altitude. Il est habité par environ 600 habitant-e-s appartenant à différentes hautes castes hindoues comme les Brahmanes et les Cheetri et aux ethnies Tamang et Gurung pratiquant le bouddhisme. Les activités principales sont l’agriculture vivrière, l’élevage et le tourisme de trekking."
"Le second village, Sarmoli est situé dans la vallée du Johar, dans l’Himalaya indien entre 2500 m et 3500 m d’altitude. Il est habité par 2000 personnes appartenant à l’ethnie tibéto-birmane des Bhothyas (photo) ; aux hautes castes hindoues et à la catégorie des Dalits qui regroupe des personnes basses castes. Les activités principales dans ce village sont l’agriculture vivrière, l’élevage et le tourisme de nature."
"Les forêts villageoises sont des espaces collectifs aux multiples facettes qui représentent un élément central de la vie quotidienne des habitant-e-s. Ces espaces sont utilisés pour nourrir le bétail tel que les buffles qui s’y rendent en troupeau tôt le matin pour pâturer et reviennent à l’étable avant la tombée de la nuit. Les buffles sont utilisés pour la production de lait."
"Les autres animaux d’élevage sont les chèvres et les moutons utilisés pour la production de viande, les vaches pour le lait, les boeufs pour la traction, et les poules pour les oeufs et la viande. Dans ces forêts, on retrouve aussi des animaux sauvages tels que des léopards des neiges, des ours et des singes. Parfois, les animaux sauvages attaquent les animaux d’élevage ou ravagent les cultures, ce qui représente de fortes pertes économiques pour les villageois-e-s."
"Les forêts sont également utilisées pour la collecte de légumes sauvages (fougères, asperges) ; de bois permettant de construire et chauffer les maisons et de faire la cuisine au feu. Sur cette photo, un homme fabrique un panier en bambou collecté dans la forêt. Ce panier lui permettra de porter le bois mort et le fourrage qu’il ramasse à raison de 3 à 5 heures par jour dans la forêt."
"Les forêts sont aussi des espaces touristiques. Les touristes peuvent y faire du trekking ou observer les oiseaux rares de l’Himalaya. Sur cette photo, des muletiers apportent le matériel (nourriture, couchage etc.) en altitude pour satisfaire les besoins de l’activité touristique. Parfois cela se fait à dos de mules, mais souvent, c’est à dos d’humain-e-s que les bouteilles de gaz sont portées jusqu’à 4000 m d’altitude !"
"Certains lieux des forêts villageoises sont sacrés. Ici, on aperçoit la méditation d’un Sâdhu, pèlerin hindou ou jaïn ayant renoncé à la société pour se consacrer à l’objectif d’atteindre la libération finale de l’âme individuelle permettant la fin du cycle des réincarnations. Ces lieux sacrés sont régis par des règles spécifiques. Par exemple, les personnes considérées comme impures (femmes pendant leurs menstruations, dalits, etc.) sont exclues de ces lieux."
"Parce qu’elles concernent différents groupes sociaux qui ne partagent pas les mêmes valeurs, les mêmes représentations et usages, ces forêts sont le coeur de tensions sociales. Ma thèse analyse comment l’État, en mettant en place des comités villageois de gestion des forêts, construit des relations sociales centrées sur des questions d’environnement. Cela a pour effet de redistribuer les pouvoirs et les légitimités au sein des sociétés villageoises.