Nicolas J. PREUD’HOMME

Doctorant en histoire ancienne

Rois et royauté en Ibérie du Caucase, entre monde romain et monde iranien (65 av. J.-C. – 400 ap. J.-C.)

Doctorant en histoire ancienne au sein du laboratoire Orient & Méditerranée, Nicolas J. Preud’homme enquête sur les rois de l’ancienne Ibérie du Caucase, un royaume situé dans l’actuelle Géorgie orientale, en Caucasie du Sud. Travaillant à partir de sources littéraires, d’inscriptions, de documents archéologiques variés, il s’intéresse en particulier aux lieux de pouvoir à partir desquels les élites dirigeantes ibères affichaient leur puissance et leur légitimité. Il relate ici quelques-unes des étapes de son voyage en Géorgie au printemps 2018, en rapprochant ses observations du terrain avec sa lecture des anciens récits d’histoire.

Thèse sous la direction de Giusto Traina, Faculté des Lettres de Sorbonne Université
Crédit photo : Nicolas J. Preud’homme, Géorgie, 2018

"Au cours de mon voyage en Géorgie, j’ai fait étape à Mc’xet’a, autrefois la capitale du royaume ibère. Sur la colline de Baginet’i, située sur la rive droite du fleuve Mtkvari, se tenait l’ancienne acropole d’Armazi, appelée aussi Harmozikè chez Strabon, Harmastus chez Pline l’Ancien et Armaktika chez Ptolémée. De la principale citadelle des dirigeants ibères, il ne subsiste aujourd’hui plus que les vestiges de quelques bâtiments emblématiques cernés par la verdure."

 

"Me tenant sur l’ancienne acropole d’Armazi, j’ai photographié la confluence du fleuve Mtkvari et de la rivière Aragvi. Le panorama fait voir l’ancienne capitale de Mc’xet’a dominée par la colline de J̌vari. Sur cette dernière hauteur se tient un monastère construit au VIe siècle. L’historien arménien Movsês Xorenac‘i raconte que Nino, l’évangélisatrice du K’art’li au temps de Constantin, aurait fait élever sur cette colline une croix en bois. J̌vari devint au Moyen Âge un haut lieu de pèlerinage réputé pour ses miracles de guérison."

 

"Sorti de la ville de Mc’xet’a, j’ai marché jusqu’à l’ancienne nécropole de Samt’avro. Les premiers vestiges repérés sont datés de la première moitié du IIe millénaire av. J.-C, tandis que plusieurs groupes de sépultures s’échelonnent du début de l’Âge du Fer jusqu’à l’époque médiévale. Plus de quatre mille tombes ont été découvertes à l’heure actuelle. Les sépultures recèlent un important matériel funéraire renseignant sur la culture et les pratiques d’inhumation des sociétés de l’ancienne Caucasie."

 

"En remontant le fleuve Mtkvari, j’ai vu la cité troglodytique d’Up’lisc’ixe qui domine la vallée. Cet agglomérat de grottes a été taillé dans un massif de grès de 9,5 hectares. Au sud et à l’ouest, ses flancs descendent verticalement sur plusieurs dizaines de mètres. Au nord et à l’est, la cité était cernée d’un fossé et d’un rempart. Habité depuis l’Âge du Bronze, cet ensemble de grottes fut progressivement agrandi au cours de l’Antiquité et du Moyen Âge. Quelques grottes servaient encore d’habitations au XIXe siècle."

 

"Poursuivant mon voyage dans la région du Šida K’art’li au cœur de la Géorgie, j’ai fait halte à Dedop’lis Gora, une colline s’élevant sur la rive gauche de l’un des affluents du fleuve Mtkvari, le Pronè occidental. Le versant sud de la colline a été érodé par la rivière. Apparaissent aujourd’hui les vestiges d’un ancien palais incendié vers la fin du premier siècle ap. J.-C. De vieilles pierres ont roulé en contrebas dans la prairie où paissent tranquillement les bœufs."

 

"La forteresse de Šorapani se trouve mentionnée sous le nom de Sarapana dans la Géographie de Strabon. Située à la confluence des rivières Żirula et Kvirila, elle gardait une importante route commerciale qui reliait le port de Phasis en Colchide à la vallée du Mtkvari, via le passage des monts Lixi. La Vie des Rois raconte que ce château fut bâti par le roi légendaire P’arnavaz tandis qu’il accordait le territoire environnant au prince (erist’avi) de Margvi. Un riverain m’a aimablement guidé pour visiter les lieux."

 

"M’étant rendu dans la haute vallée de l’Iori, j’ai visité la forteresse d’Uǰarma, contrôlant une route qui reliait les plaines du K’vemo K’art’li aux piémonts caucasiens de Saguramo et Gombori. La chronique géorgienne de la Vie des Rois avance que le dernier roi arsacide Asp’agur fortifia le site au cours du troisième siècle ap. J.-C., et que son successeur Mirian y aurait installé son fils Rev avec son épouse Salomé. Selon une autre chronique, le roi Vaxtang Gorgasal y voyait un endroit favorable pour la chasse et l’élevage des moutons."

 

"J’ai poursuivi mes pérégrinations dans une région du sud-est de la Géorgie appelée K’vemo K’art’li. L’un des monuments les plus célèbres de cette contrée est la basilique de Bolnisi Sioni, érigée à la fin du Ve siècle sous la direction de l’évêque Davit’. Sur son mur extérieur se trouve une des premières inscriptions en écriture géorgienneCe texte commémorant la fondation de l’église permet de placer le début des travaux de construction au cours des années 478-479. Le christianisme se développait à cette époque dans un royaume k’art’vélien politiquement dominé par l’Iran de la dynastie des Sassanides."

 

"Je suis parvenu aux confins orientaux de la Géorgie. Dans la région de Kaxet’i, le monastère de Nekresi, perché sur une hauteur boisée, domine les vestiges d’un temple mazdéen actif aux IIe et IIIe siècles ap. J.-C. La chronique géorgienne de la Vie des Rois relate que le roi P’arnaǰom, réputé pour avoir adopté la religion des Perses, le mazdéisme, aurait bâti une ville en ces lieux. Au tournant du IVe et du Ve siècle ap. J.-C., le roi T’rdat y aurait construit une église. Le paysage relate ainsi la récupération d’un ancien lieu païen par un christianisme orthodoxe conquérant."

 

Documents

Crédit illustration : Amélie Compain

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