Portrait d'Allegra Fryxelle, lauréate d'une bourse M.S.Curie

Allegra Fryxell mène des recherches sur la manière dont la couleur affecte les personnes.

Dans le cadre de ce financement, Allegra Fryxell poursuit ses recherches en post-doctorat à la Faculté des Lettres, en collaboration avec Charlotte Ribeyrol, maîtresse de conférences en littérature britannique du XIXe siècle.

Son projet intitulé « Chromocure » s'intéresse plus spécifiquement à la santé et au bien-être en abordant la manière dont la couleur affecte le bien-être physique et psychologique de façon positive ou négative.

Elle a accepté de répondre à nos questions sur son parcours et sur l'obtention du financement Marie Sklodowska Curie.

D'origine canadienne, vous avez effectué vos études à l'Université de Cambridge. Comment se sont opérés vos choix d'études ?

Je me destinais initialement à une carrière de médecin ou de chercheuse scientifique mais lors de mes études, je me suis découverte un vif intérêt pour l'histoire européenne et j’ai décidé de poursuivre dans cette voie. C'est en visitant Cambridge en famille que mon choix s'est porté sur son université, l’une des meilleures au monde pour l’étude de l’histoire culturelle. Dès l’obtention de mon diplôme au Trinity College en 2011, j’ai eu la chance d’être acceptée à Cambridge où j’ai obtenu, en 2012, un master en histoire de l’Europe moderne. J’ai poursuivi mes recherches en doctorat sous la direction du professeur Peter Mandler dont l’influence a été décisive et avec qui je suis encore régulièrement en contact. Ma formation en musique classique a également été un atout pour mes recherches en alliant arts, science et littérature. J’envisage mon travail comme une combinaison entre histoire des idées et histoire de la science afin de voir émerger une nouvelle forme d'histoire culturelle.

Sur quelles thématiques de recherche portent vos différents travaux et quel est votre dernier projet de recherche ?

Mes recherches se concentrent sur trois thèmes : le temps, l’existence et plus récemment la couleur. Il s’agit de réfléchir sur l'expérience de la modernité et comment, il y a un siècle, les gens ont donné un sens à un monde en évolution rapide avec d'importants changements technologiques, sociaux et politiques. Comment les nouveaux modèles scientifiques et esthétiques ont-ils influencé de nouvelles façons de comprendre le soi et l'univers ? La plupart des défis auxquels les européens ont été confrontés entre les années 1875 et 1945 sont similaires aux défis de nos sociétés actuelles. Comme David Lowenthal l’écrivait en 1985, « le passé est un pays étranger ». J'essaie de traduire ces expériences et ces conceptions du monde, souvent radicalement différentes des nôtres, dans un langage compris par nos contemporains. Mon nouveau projet « Chromocure » s'intéresse plus spécifiquement à la santé et au bien-être. Il aborde la manière dont la couleur affecte le bien-être physique et psychologique de façon positive ou négative. La compréhension de la couleur, perçue comme médecine en anglais « chromotherapy », influence son utilisation dans l'art et la musique modernes mais également le spiritisme de cette fin de siècle. Il est fascinant d’observer comment les anciens modèles de compréhension du monde, comme le positivisme ou la physique newtonienne, ont perdu leur pouvoir explicatif au tournant du siècle, au profit de nouvelles sciences comme la psychologie et l'anthropologie.

Vous êtes lauréate de l’appel à projet Marie S. Curie Individual Fellowships, en quoi consiste cette bourse ? quelles opportunités en découlent ?

Les bourses individuelles Marie Curie soutiennent le développement de carrière et la formation des chercheurs et chercheuses grâce à une plus grande mobilité internationale. Ses bénéficiaires peuvent travailler sur le domaine de recherche de leur choix et leur intégration en Europe et dans l'espace européen de la recherche est facilité. Cette bourse m’offre donc l’opportunité de poursuivre « Chromocure » dans un nouveau contexte académique. Il me permet également de sillonner divers pays disposant des fonds d’études nécessaires : Norvège, Israël, Allemagne, Autriche, Italie et la France ! Mes travaux vont se poursuivre l’année prochaine à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université en collaboration avec Charlotte Ribeyrol, maîtresse de conférences en littérature britannique du XIXe siècle. Elle a remporté en 2019 un prix ERC* pour son projet Chromotope en partenariat avec l’université d’Oxford. Mon projet complète le sien tout en se concentrant sur le discours scientifique et médical de la couleur à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Cette collaboration va enrichir nos recherches et nos pratiques respectives. Je vais bénéficier de son expertise tout en apportant mes connaissances en histoire culturelle moderne.

Pourquoi avoir choisi la Faculté des Lettres ?

J’ai choisi la Faculté des Lettres de Sorbonne Université car elle est la seule aujourd’hui à proposer une recherche interdisciplinaire de pointe dans le domaine des arts et des sciences. Je suis également très enthousiaste à l’idée de travailler à Paris, ville d'art et de culture où je pourrai parcourir de nombreux musées et bibliothèques dans le cadre de mes recherches.

Comment envisagez-vous votre année en France ?

Cette bourse va me permettre de passer deux ans en France. J’attends avec impatience la réouverture des universités et des musées et le retour à l’enseignement en présentiel pour participer aux séminaires et aux activités culturelles. Je me suis fixée plusieurs objectifs : consulter les archives en libre accès sur la recherche en chromothérapie, publier des articles, présenter des travaux lors de conférences ou séminaires de recherche en France et communiquer auprès du public français à travers des événements comme les TEDxTalks, des blogs ou des podcasts.

Quelles seront les premières missions auxquelles vous serez confrontées ?

Mon premier défi est la planification logistique de tous mes déplacements. Les archives que je suis amenée à consulter se trouvent à Paris, Londres, Oxford, Allemagne mais aussi aux États-Unis. Ensuite, pourra démarrer mon travail collaboratif autour de l’approche matérielle de la couleur et de l'histoire de la couleur moderne avec Charlotte Ribeyrol. Je vais également contribuer à un programme de maîtrise avec l’UFR d’études anglophones sur la couleur en littérature anglaise. La vie universitaire est toujours un équilibre délicat entre recherche, enseignement et administration mais ma motivation est sans faille. J’ai vraiment hâte de vivre à Paris, l’une de mes villes préférées au monde !

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*ERC : European Research Council