Rencontre avec Adrien de Jarmy, lauréat du Prix Mohammed Arkoun de la thèse en islamologie 2024
L’historien de l’Islam Adrien de Jarmy a été récompensé par le Prix Mohammed Arkoun 2024 pour sa thèse sur l’interprétation de la figure du prophète Muḥammad par les premières générations musulmanes au Proche-Orient. Il a récemment obtenu le Prix Lettres et sciences humaines, mention « toutes spécialités », décerné par la Chancellerie des Universités de Paris.
Contextualiser l’histoire du prophète Muḥammad
Le Prix Mohammed Arkoun, décerné par le Bureau Central des Cultes du ministère de l'Intérieur, récompense des contributions engagées et ouvertes dans un contexte de diversité culturelle et religieuse. Il perpétue l'héritage de l’islamologue Mohammed Arkoun (1928-2010), l’un des plus brillants intellectuels arabes de sa génération, en œuvrant pour le rapprochement entre les cultures.
Ce prix est une reconnaissance fondamentale pour le travail d’historicisation de l’Islam engagé par Adrien de Jarmy, afin de dépasser les visions idéologiques réductrices. Normalien, agrégé d’histoire, le jeune docteur s’est formé à l’étude de la langue arabe à l’Inalco et à la philologie des textes islamiques à l’Institut dominicain des études orientales et à l’Institut français d’archéologie orientale au Caire en Égypte, ainsi qu’à l’Université d’Hambourg et à l’Université Ruhr-Bochum en Allemagne.
Au travers de sa thèse « Constructions historiographique et normative des figures du Prophète Muḥammad. Des premières attestations dans les sources au IIIe/IXe siècle » (dir. Mathieu Tillier, 2023, Sorbonne Université), il a souhaité « montrer que l’Islam des premiers siècles est une construction plurielle et dynamique, façonnée par des débats et des controverses, et évoluant au gré des contextes historiques successifs au Proche-Orient » (Arabie, Syrie, Égypte, Irak et Iran).
Dans le contexte actuel, sa thèse démontre « qu’il est possible de faire de l’histoire de l’Islam en adoptant une approche non confessionnelle, ce qui est crucial au regard des nombreuses polémiques qui entourent l’histoire de l’Islam et la figure de Muḥammad ».
Une méthode de datation novatrice
Pour mieux connaître la figure du prophète et comprendre ses évolutions, il a eu le souci de s’extraire du cadre étroitement religieux. Il puise dans les ressources textuelles anciennes et matérielles, telles que l’épigraphie et la papyrologie, tout en tirant parti de la réalisation d’une base de données relationnelle, le matériau pour élaborer une méthode novatrice de datation et de contextualisation de la diffusion des premiers récits relatifs à la vie de Muḥammad, ainsi que des paroles et des éléments de jurisprudence qui lui sont attribués dans la tradition islamique.
Un historien de l’Islam engagé
L’ensemble de son parcours, caractérisé par une activité académique intense, témoigne d’un engagement intellectuel profond et d’une contribution essentielle à l’étude de l’Islam.
Le Prix de la Chancellerie des Universités de Paris est une distinction académique décernée chaque année pour récompenser des travaux de recherche exceptionnels menés par des doctorantes et doctorants. Ce prix généraliste représente pour Adrien de Jarmy une reconnaissance de son travail d’historien, et de maître de conférences "Islamologie et humanités numériques" au département d'études arabes et à l'Institut d'islamologie de Strasbourg.
Adrien de JarmyRecevoir une telle distinction montre que, au-delà du cercle restreint des spécialistes, l’histoire de l’Islam est désormais reconnue comme un champ d’étude aussi légitime que les autres.
Conforté par ses deux prix prestigieux, Adrien de Jarmy continue d’approfondir ses recherches et de partager ses connaissances. Il commence à diriger des mémoires de master, anime un séminaire de recherche sur l’islamologie et les humanités numériques et enseigne des cours sur l’histoire de l’Islam médiéval, la lecture des textes arabes anciens et les méthodes des humanités numériques.
Actuellement, il travaille à la publication de sa thèse sous forme d’un ouvrage, en s’efforçant d’en rendre le contenu plus accessible sans sacrifier la rigueur de son travail. Il a également obtenu un financement de l’Institut français d’islamologie pour recruter un post-doctorant et mener une étude sur la transmission des récits de la bataille de Badr (624), un événement fondateur des débuts de l’Islam, du VIIe au XXIe siècle.