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Retour sur le congrès international de papyrologie 2022

Le Collège de France a accueilli du 25 au 30 juillet 2022 le 30e congrès international de papyrologie. Il a réuni des spécialistes des papyrus et plus généralement de l'Égypte gréco-romaine, byzantine et du début de l'époque arabe, venus des cinq continents. La Faculté des Lettres de Sorbonne Université et son institut de papyrologie y ont largement été représentés par ses membres, anciens et actuels. Découvrez quelques unes des plus belles pièces.

Ménandre, Les Sicyoniens

Inv.Sorb. 2272e.

Fragment final de notre rouleau des Sicyoniens de Ménandre, avec titre et colophon. Ce fragment était enfermé jusqu’en 1962 dans un cartonnage de momie. Nous connaissons désormais l’histoire des amours entre Stratophane, adopté enfant par une riche Sicyonienne, et Philoumène, fille d’un pauvre Athénien, enlevée enfant par des pirates. Evidemment, ils finiront par se marier.

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Plastron de momie en cartonnage de papyrus

Epoque ptolémaïque.

Un exemple de cartonnage conservé avec ce plastron semi-circulaire, un pectoral de type ousekh (« large »). Depuis un siècle, l’essentiel des cartonnages a été démonté afin de retrouver des textes antiques. Seuls ont été conservés des modèles sans papyrus à l’intérieur ou des pièces trop belles pour être sacrifiées. Il nous reste au minimum un exemple de chaque type : masque, plastron (semi-circulaire, ailé, parallélépipédique), chaussure.

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Codex fiscal hermopolite

618/619 ou 633/634 apr. J.-C.

Acheté par Pierre Jouguet, une page sélectionnée du plus gros codex (132 pages) que renferme la collection. Il constitue à lui seul le P.Sorb. II et a permis de reconstituer le système fiscal dans la région d’Hermopolis à l’époque byzantine.

Un poème d’Hermésianax

Milieu du 2e s. av. J.-C.

Provenant d’un achat par la Sorbonne à Madame de La Haye, héritière du célèbre antiquaire Nahman, voici la seule attestation papyrologique du poète Hermésianax. Il sera exposé en 2023 au MUCEM à Marseille.

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Modèle de tisserand ou de mosaïste

7e – 8e s. apr. J.-C.

Papyrus sans texte, acheté puis légué par l’académicien Théodore Reinach, cette rare peinture décorative (un Arbre de vie encadré de décor géométrique) sur papyrus peut s’expliquer comme modèle pour un canevas de tisserand ou pour un mosaïste. On peut assez aisément reconstituer mentalement l’effet d’ensemble, grâce aux symétries évidentes.

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Tablette de défixion en plomb

4e – 5e s. apr. J.-C.

Support rare que cette tablette métallique gravée sur plomb. Assez fréquemment, ce genre de feuille de métal était utilisé à des fins magiques. On y inscrivait par exemple le nom de sa victime. Sur cet exemplaire, on remarquera des invocations, une mise en page biscornue ou encore des figures dessinées.

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Papyrus funéraire avec vignette représentant la chanteuse d'Amon Bak-en-khonsou, devant le dieu Rê-Horakht

3e période intermédiaire (9e s. av. J.-C.) ?

Ce papyrus funéraire est le seul de la collection écrit en hiéroglyphes. Il en est aussi notre  fragment le plus ancien (9e s. av. J.-C. probablement).

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Ostracon devinette

2e s. apr. J.-C.

Un ostracon est un fragment de poterie réutilisé pour servir de support d’écriture et donc remplacer le papyrus (plus cher). Une devinette sur celui-ci : Quel est celui des quadrupèdes qui le plus souvent ne vit pas au jour ? (...) Quel est l’être ailé qui allaite ses petits ?

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Une brève histoire de l’Institut de papyrologie

Curieusement, l’histoire de cet institut commence avant sa propre fondation. En effet, le premier fonds à l’origine de la collection de la Sorbonne remonte aux hivers 1901 et 1902 et il est constitué par les fragments grecs et démotiques d’époque ptolémaïque issus des cartonnages de momies ramenés par Pierre Jouguet de ses fouilles à Ghôran et à Magdôla. Dans la foulée, d’autres cartonnages du Fayoum furent achetés ou donnés, en provenance d’El-Lahoun et d’Hérakléopolis.

Pourtant, l’institut ne fut fondé qu’en 1920 – un institut virtuel, sans local. Ce laps de temps fut mis à profit par le Ministère de l’Instruction Publique pour envoyer Jouguet enseigner à Lille et commencer à y former la première génération de papyrologues français à ses côtés (d’où le premier corpus de papyrus édités P.Lille). Mais l’objectif ayant toujours été de ramener la discipline (nouvelle en France) à Paris, Jouguet fut nommé professeur en 1919 à la Sorbonne. Il dut attendre 1921 avant d’obtenir un premier local, en dehors de l’université, dans un simple parloir du Collège Sainte-Barbe. L’Institut fut enfin transféré en Sorbonne, avec vue sur la cour d’honneur, seulement en novembre 1935, trop tard pour Jouguet, académicien depuis le 18 novembre 1927 et directeur de l’Institut Français d’Archéologie Orientale au Caire depuis le 16 janvier 1928.

Ce n’était évidemment pas là le premier retour de Jouguet en Egypte. En effet, à plusieurs reprises, il s’y était rendu afin de procéder à divers achats : à Akhmîm dès 1896, au Caire en 1914 et 1918-1919, et à Louxor en 1920. Au travers des résultats obtenus, on sent aujourd’hui une volonté très nette d’étendre la collection au-delà du ptolémaïque et du grec ou du démotique. C’est à cette occasion que sont entrés à la Sorbonne des textes d’époques romaine, byzantine et arabe, tant en grec qu’en copte ou arabe, et même un peu en latin.

Il y a eu au final très peu d’achats de la part de l’université. Néanmoins, de belles pièces sont aussi arrivées par ce moyen dans la papyrothèque de l’Institut, notamment en 1958 et 1960.

Un apport non négligeable pour la collection fut aussi le don en 1982 par Jean Yoyotte (directeur du centre Golenischeff) à Jean Scherer (lointain successeur de Jouguet à la direction) d’un lot de documents sur papyrus, mais aussi parchemin et même papier. Leur publication a alors progressivement commencé, mais beaucoup reste encore à faire.
Enfin, que serait la collection de Sorbonne Université sans ses legs ! En effet, c’est essentiellement par ce biais que la collection a été enrichie, tant en quantité qu’en qualité, avec les mêmes effets que les achats de Jouguet concernant les époques et langues en présence.

Dès 1903, Jouguet reçoit toute la collection de papyrus d'Urbain Bouriant. Cet ancien directeur de l'IFAO, devenu collaborateur et ami, n'en avait encore rien publié, mais tout était entretenu et inventorié. Cet acte révèle sans doute que Bouriant a souhaité assez tôt contribuer au lancement de la papyrologie en France par Jouguet.

Pour finir, il faut mentionner le legs de Théodore Reinach. Ce célèbre académicien a constitué toute sa vie durant, grâce à sa fortune personnelle et au talent de Seymour de Ricci, une très large collection privée. Il en publia une partie dès 1905 (P.Reinach I). Mais le travail d’édition n’en était qu’au début. A son décès le 28 octobre 1928, il lègue l’ensemble à l’Université de Paris, ancêtre de Paris IV et donc de Sorbonne Université. En 1940, Collart (successeur direct de Jouguet) publie le P.Reinach II. Aujourd’hui, les volumes III et IV sont en cours de préparation.