Thomas Constantinesco reçoit le Prix de la monographie sur les Amériques 2023
Thomas Constantinesco, professeur de littérature américaine, reçoit le Prix de la monographie sur les Amériques 2023 de l’Institut des Amériques (IdA) pour son ouvrage Writing Pain in the Nineteenth-Century United States (Écrire la douleur dans les Etats-Unis du XIXe siècle).
Writing Pain in the Nineteenth-Century United States, publié en février 2022 par Oxford University Press, est récompensé par le Prix de la monographie sur les Amériques 2023 de l’Institut des Amériques (IdA). Cet ouvrage examine les représentations de la douleur dans un ensemble de textes et de genres littéraires américains du XIXe siècle.
Ce prix récompense chaque année une monographie originale dans le domaine des études américaines, publiée ou sur le point de l'être. Les candidatures ont été évaluées par le jury du Prix IdA de la monographie, présidé par Hélène Aji, professeure de littérature américaine à l’École normale supérieure de Paris (Ulm) et vice-présidente de l’Institut des Amériques. Cet institut, créé en 2007 et porté aujourd’hui par le CNRS, l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 et le Campus Condorcet, fédère en France les études en sciences humaines et sociales (SHS) sur les sociétés des Amériques.
La cérémonie de remise des prix a eu lieu le 14 juin 2023, à l’occasion du Congrès 2023 de l’Institut des Amériques, à Lyon.
Thomas Constantinesco a rejoint la Faculté des Lettres de Sorbonne Université en 2021 en qualité de professeur de littérature américaine après avoir enseigné à l’Université Paris Cité, Oxford et Yale. Il est également membre honoraire junior de l’Institut Universitaire de France et ancien lauréat du programme européen Marie Skłodowska-Curie. Membre de l'unité de recherche Voix anglophones, littérature et esthétique (VALE - UR 4085), ses recherches portent sur la littérature américaine du XIXe siècle, les relations entre littérature, philosophie et histoire et les humanités médicales. Il est notamment l’auteur de Ralph Waldo Emerson : l’Amérique à l’essai (Éditions Rue d'Ulm, 2012) et de Writing Pain in the Nineteenth-Century United States (Oxford University Press, 2022), ainsi que de plusieurs articles et chapitres d’ouvrage sur les Transcendantalistes, Edgar Allan Poe, Herman Melville, Henry James et William James. Il a aussi traduit des œuvres d’Emerson, Melville, James, Washington Irving et Mark Twain en français et participe actuellement à une édition d’oeuvres de H.P. Lovecraft dans la bibliothèque de la Pléiade.
Découvrez l'ouvrage
Writing Pain in the Nineteenth-Century States, Oxford University Press.
Writing Pain in the Nineteenth-Century United States étudie les représentations de la douleur dans la littérature américaine du XIXe siècle, depuis les années 1830 jusqu’au années 1890, et s’intéresse à leurs conséquences esthétiques, philosophiques et éthiques au fil des transformations de la culture nationale de la douleur, dans le sillage de la découverte de l’anesthésie générale à Boston en 1846. En s’appuyant sur la lecture de textes de Ralph Waldo Emerson, Harriet Jacobs, Emily Dickinson, Henry James, Elizabeth Stuart Phelps et Alice James, Writing Pain démontre que, si la douleur détruit le langage, le moi et le monde, comme l’affirme Elaine Scarry dans The Body in Pain (1985), elle est aussi génératrice – génératrice de l’écriture, du sujet et de la communauté. Ce faisant, la littérature apparaît comme l’un des lieux où se pense la difficile articulation de l’esprit et du corps qui sous-tend les débats autour de l’identité individuelle, de l’appartenance nationale, du genre et de la race qui agitent les États-Unis tout au long du XIXe siècle.
Writing Pain examine d’abord la philosophie émersonienne de la compensation, qui voit dans l’expérience présente de la douleur un gain à venir. Le livre éprouve ensuite les limites de ce modèle : il montre comment Jacobs conteste la séparation du corps et de l’esprit qu’il présuppose et comment Dickinson contredit sa prétention à l’universel à partir d’une poétique de la douleur qui met paradoxalement en circulation une douleur qui ne se donne pas en partage. Les chapitres suivants portent sur les économies affectives de la douleur pendant la Guerre de Sécession et dans l’immédiat après-guerre. Chez James comme chez Phelps, l’utopie d’une socialité queer apparaît alors comme une manière de faire droit à la douleur de la guerre et comme réponse à la violence de l’idéologie sentimentale qui prédomine à l’époque et qui occulte en réalité la souffrance qu’elle affirme pourtant prendre en charge. Le dernier chapitre est consacré au journal d’Alice James et prolonge la critique du discours sentimental de la sympathie et de ses apories, tout en revenant à l’idée maîtresse de l’ouvrage selon laquelle l’expérience de la douleur est génératrice de la pensée et de l’écriture. La coda de Writing Pain, enfin, élargit le propos à des enjeux méthodologiques et entrecroise formalisme littéraire et formation des identités pour suggérer que la lecture littéraire, la pratique du close reading, permet de recouvrer le travail de pensée de la littérature.