Homme vu par une fleur
Première journée d’étude dédiée à l’art concret, avec pour dessein d’en renouveler l’approche et de susciter l’intérêt des jeunes chercheurs et chercheuses du site Colbert.
-
Le 17 juin. 2022
-
09:30 - 18:00
-
Journée d'étude
-
Galerie Colbert, Institut National d'Histoire de l'Art.
-
Ewig Isabelle
L’Espace de l’art concret à Mouans-Sartoux, en partenariat avec le Centre national des arts plastiques et le centre André-Chastel, organise une première journée d’étude dédiée à l’art concret, avec pour dessein d’en renouveler l’approche et de susciter l’intérêt des jeunes chercheurs et chercheuses présents sur le site de la galerie Colbert. Organisée par Aude Bodet, Isabelle Ewig et Fabienne Grasser-Fulchéri.
Si l’on s’en tenait à la définition de l’art concret donnée en 1930 par Carlsund, van Doesburg, Hélion, Tutundjian et Wantz dans la revue éponyme, la question du lien entre art concret et nature ne mériterait pas que l’on y consacre une journée d’étude. Dans la revue, en effet, il est précisé que l’œuvre d’art concret doit être conçue par l’esprit et ne « rien recevoir des données formelles de la nature, ni de la sensualité, ni de la sentimentalité ». Se réclamant du dandy Georges Brummel, qu’ils citent – « La femme (féminité), la nature, le temps représentent le principe naturel en opposition au principe spirituel, l’homme. » –, les responsables de la publication vont jusqu’à reconduire le cliché misogyne qui oppose la culture à la nature comme l’homme à la femme, privilégiant évidemment le principe masculin.
Si ces cinq artistes sont les premiers à se revendiquer de l’art concret et à définir ce dernier, ils n’en conservent pas longtemps l’exclusivité. Jean Arp qui, depuis l’époque dadaïste jusqu’au chantier de l’Aubette à Strasbourg, a souvent croisé le chemin de van Doesburg, infléchit dès 1931 l’acception du terme, proposant une nouvelle articulation entre art et nature, qui ne passe pas par l’imitation : selon lui, « un tableau ou une sculpture qui n’ont pas eu d’objet pour modèle sont tout aussi concrets et sensuels qu’une feuille ou une pierre » (Cahiers d’art).
Dans tous ses écrits sur l’art concret, Arp multipliera les parallèles avec la nature, invitant les œuvres à « rester anonymes dans le grand atelier comme les nuages, les montagnes, les mers, les animaux, les hommes ». Cette association inattendue sera largement diffusée lors des expositions historiques de l’art concret. Dans son texte pour le catalogue konkrete kunst (Bâle, 1944), Max Bill écrira ainsi : « [L’art concret] est réel et spirituel, non-naturaliste, et pourtant proche de la nature. ».( Sur la page voisine, un florilège de citations d’Arp enfonce le clou). Un an plus tard, en 1945, la déclaration d’Arp datant de 1931 sera mise en exergue du texte de Jean Gorin pour le catalogue de l’exposition « Art Concret » organisée à la galerie Drouin à Paris.
Que l’art concret puisse avoir pour sujet ou pour modèle la nature peut sembler paradoxal. Comment les artistes résolvent-ils l’apparente contradiction, comment la mettent-ils en œuvre, comment la justifient-ils ? Que dit tout cela de leur (de notre) rapport au vivant ?
Des études de cas (Arp, Bill, Honegger) poseront les bases théoriques et historiques de la bifurcation opérée dans la définition de l’art concret. Il sera ensuite question de l’expérience de la nature faite par des artistes tels que Vera Molnar, hermann de vries ou Heinz Mack, qui ont suivi l’injonction d’Arp – « les hommes devraient rentrer dans la nature » –, et on rappellera que c’est cette acception « large » de l’art concret qui est en usage à Mouans Sartoux. Un tel panorama devrait livrer de nombreuses pistes de réflexion, qui feront l’objet de débats. Coïncidant avec l’inauguration de l'extension du jardin conçu par Gilles Clément pour Mouans-Sartoux, cette journée d’étude appréciera enfin le passage des jardins du modernisme aux libres jardins de Gilles Clément.