Séminaire Savoirs et mises en récits du témoignage
Avec Antoine Garapon, magistrat, secrétaire général de l'Institut des Hautes Etudes sur la Justice, Paris
Le séminaire est ouvert à tous les doctorants et les doctorantes, étudiants de Master et Licence de Sorbonne et autres Universités, ainsi qu’aux auditeurs libres.
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Le 07 fév. 2020
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16:00 - 18:00
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Maison de la Recherche (salle D040)
28 rue Serpente
75006 Paris
La part symbolique de la justice : l'apport de l'oeuvre de Ricoeur
La pensée de Ricœur sur le droit est le plus souvent étudiée dans ses travaux qui portent explicitement sur le droit, c’est-à-dire les écrits de la fin de sa vie à partir de 1990 et réunis dans les deux volumes du Juste-1 et 2). Mais il est possible de trouver une autre pensée sur le droit et la justice qui s’intéresse moins aux dilemmes sur le juste qu’à la générativité de la justice : comment passe-t-on du cri de l’indignation à la rédaction d’une plainte ? Du désir de vengeance à une argumentation devant un tribunal ? C’est en se reportant aux premiers écrits du philosophe, Philosophie de la volonté, Finitude et culpabilité et plus particulièrement de La symbolique du mal, que l’on trouvera matière à réflexion. Cette générativité est analysée par Ricœur sur le plan historique (le passage de la souillure au péché et à la culpabilité) et anthropologique philosophique. Le tribunal est moins considéré en tant qu’institution que comme une scène cosmique qui articule aussi bien l’histoire des hommes, le destin individuel que le rapport à soi à travers la culpabilité (on songe à « Démythiser l’accusation » dans Le conflit des interprétations). C’est donc dans le registre de l’anthropologie philosophique que la justice peut être comprise en tant qu’action articulée et médiatisée par des symboles (« La structure symbolique de l’action », Anthropologie philosophique. Écrits et conférences 3, Seuil, Paris, 2013). Je me propose de reconstituer ce trajet qui considère la genèse de la justice en partant de la représentation du mal et de sa résolution tels qu’élaborées dans les premiers textes ; puis le rituel du procès qui assure la transition entre le rite, la forme muette plus profonde que la parole, et la parole réglée du procès, pour arriver enfin à la mytho-logique de la peine.
Antoine Garapon, Magistrat, Secrétaire Général de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice après avoir été juge des enfants pendant plusieurs années. Co-directeur de la rédaction de la revue Esprit, il dirige la collection Bien commun aux Editions Michalon et anime une émission hebdomadaire sur France-culture. Dernière publication : La justice digitale. Révolution graphique et rupture anthropologique, PUF, 2018 (avec Jean Lassègue).