Séminaire Savoirs et mises en récits du témoignage
Avec Myriam Revault d’Allonnes (Philosophe, Professeur des Universités, EPHE, CEVIPOF)
Le séminaire est ouvert à tous les doctorants et les doctorantes, étudiants de Master et Licence de Sorbonne et autres Universités, ainsi qu’aux auditeurs libres.
-
Le 06 Mar. 2020
-
16:00 - 18:00
-
Maison de la Recherche (salle D040)
28 rue Serpente
75006 Paris
La vie refigurée. Autour des Disparus de Daniel Mendelsohn
A la lecture des Disparus de Daniel Mendelsohn*, j’ai été frappée par la façon dont la quête de l’auteur rencontrait certains motifs essentiels de l’œuvre de Paul Ricoeur. Je les regrouperai sous trois thématiques :
1- celle de la vie refigurée tant il apparaît que l’un des enjeux essentiels de l’ouvrage de Mendelsohn est bien de « refigurer » les vies disparues, les vies des disparus. On sait que Ricoeur a fait de la refiguration effective du temps, ainsi devenu « temps humain », le but de ses investigations et de sa démarche dans Temps et Récit. Cette refiguration prend corps, dit-il, dans l’entrecroisement de l’histoire et de la fiction. C’est par cet entrecroisement qu’il nous est donné d’échapper à l’alternative ruineuse qui nous est trop souvent proposée (voire imposée) lorsque nous abordons une certaine sorte d’événements, habités par le tremendum horrendum : l’alternative de l’horreur qui isole et tétanise et de l’explication qui relie et dissout dans la série causale.
2- la seconde thématique consiste à qualifier la vie comme un récit en quête de narrateur. La refiguration conduit en effet à poser la question de l’identité narrative et plus particulièrement du rapport qu’une vie vécue entretient avec le récit. Que la vie ait à voir avec la narration semble être une évidence et pourtant cette idée apparemment banale ne va pas de soi. Qu’est-ce alors que l’histoire d’une vie ?
3- enfin, le récit a une dimension éthique qui nous oblige à poser la question de la représentation. Dans certains cas, la dimension éthique du récit doit être conquise ou reconquise contre (ou au-delà des) les limites des ressources représentatives dont nous disposons face aux expériences extrêmes. Cette reconquête permet ainsi de retrouver la phénoménologie de l’homme capable sous la forme du « je peux raconter ».
(* The Lost. A Search for Six of Six Million, Harper Collins Publishers, 2006. Trad. fr.les Disparus)
Myriam Revault d’Allonnes. Professeur émérite des universités à l’EPHE (Ecole Pratique des Hautes Etudes). Chercheur associé au CEVIPOF ;
Dernier ouvrage publié : La faiblesse du vrai. Ce que la post-vérité fait à notre monde commun (Seuil, 2018)
Publications en rapport avec le thème du séminaire :
- Fragile humanité (Aubier-Flammarion, 2002)
- « La vie refigurée. Autour des Disparus de Daniel Mendelsohn », Esprit, janvier 2011
Séminaire organisé par Adélaïde Gregorio Fins (Sorbonne Université, UMR 8011 / Univ. de Coimbra, CECH), en collaboration avec la directrice de recherches Mme Hélène L’Heuillet.
Avec le soutien de L’École Doctorale 433 « Concepts et langages » de la Faculté des Lettres Sorbonne Université