Illustrer Proust : l'art du repeint

Par Emily Eells et Élyane Dezon-Jones

Sorbonne Université Presses

Note de l'éditeur

« Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres, tous les contresens qu’on fait  sont beaux », écrit Marcel Proust. Les multiples interprétations visuelles de son œuvre illustrent sa définition du « beau livre », depuis les premières éditions illustrées d’À la recherche du temps perdu jusqu’à la bande dessinée de Stéphane Heuet.

Si Madeleine Lemaire, qui illustra Les Plaisirs et les Jours, publié en 1896, est relativement connue, le travail d’Hermine David reste largement ignoré, sans parler des pointes-sèches de Barbara Zazouline. Ce sont pourtant les frontispices d’Hermine David, réalisés entre 1929 et 1936, qui ont imposé le choix de scènes repeintes successivement par Kees Van Dongen, Philippe Jullian, Emilio Grau-Sala et Jacques Pecnard. Tous ces artistes se sont heurtés au paradoxe de devoir représenter « un peu de temps à l’état pur », qui était l’objectif de Proust.

Reprises et variations se sont succédé dans les éditions illustrées de la Recherche, depuis les in-textes dans celle d’Un amour de Swann de Pierre Laprade dans les années 1930, jusqu’à celle de Pierre Alechinsky, qui l’orne dans les marges, et de Yan Nascimbene, persuadé qu’« il faut illustrer entre les lignes […] pour offrir peut-être un petit plaisir supplémentaire au lecteur ». Dans le même esprit, en faisant appel à des dessins peu connus de Proust et à ceux d’autres artistes, dont un inédit de Laurent de Commines ou un de Sempé provenant d’une collection particulière, cet ouvrage examine comment les artistes ont relevé le défi d’illustrer À la recherche du temps perdu.


Préface de Jean-Yves Tadié – Postface de Jérôme Bastianelli.


4e de couverture : Laurent de Commines, Le Sablier de Charlus, encres sur papier, 2014, collection particulière © Laurent de Commines



Élyane Dezon-Jones est professeure émérite de l'Université de Washington. Elle est l’autrice de Proust et l’Amérique (Nizet, 1982), et de Marie de Gournay. Fragments d’un discours féminin (Corti, 1988). Elle a procuré une édition critique du Côté de Guermantes (« GF », 1987) et de Du côté de chez Swann (« Le Livre de poche classique », 1992). Elle a coordonné avec Michèle Sarde l’édition des lettres de Marguerite Yourcenar D’Hadrien à Zénon (Gallimard, 2004). Elle est actuellement directrice du Bulletin Marcel Proust.

Emily Eells est professeure à l’université Paris Nanterre. Elle a procuré l’édition de Sodome et Gomorrhe dans la collection « GF » en 1987 et a publié plusieurs articles sur les pastiches de Proust et la genèse d’À la recherche du temps perdu. Elle est l’autrice de Proust’s Cup of Tea: Homoeroticism and Victorian Culture (Ashgate, 2002) et coéditrice, avec Naomi Toth, de Traduire la sonorité dans l’œuvre de Proust (Champion, 2018). Elle s’intéresse aux arts visuels, sujet de plusieurs de ses publications.