Au moment de son élection, Emmanuel Macron a été présenté comme l’homme d’un « nouveau monde » qui devait remplacer les pratiques anciennes. Mais du point de vue des rapports avec la presse, c’est au contraire avec un très ancien monde que ce jeune président a d’emblée voulu renouer. Par son caractère impérieux et sa verticalité assumée, sa communication s’inscrit en effet dans une histoire longue des relations entre pouvoir et médias. Emmanuel Macron marche de manière évidente dans les pas des monarques républicains qui l’ont précédé, au point que le mot « Jupiter » lui-même est emprunté au double septennat de François Mitterrand. Mais ses modèles se situent aussi plus en amont, puisqu’il a lui-même revendiqué à plusieurs reprises sa fidélité à un héritage monarchique et impérial.
Après un quinquennat marqué par des échanges incessants entre la presse et un président trop « normal », la volonté d’Emmanuel Macron de tenir à distance les journalistes a dans un premier temps été bien accueillie. Cet ouvrage montre cependant les dangers que présente une telle attitude. Elle a conduit l’actuel président à un extrême verrouillage de sa communication et, comme en témoignent l’affaire Benalla et le mouvement des Gilets jaunes, certaines dérives ont fini par susciter la lassitude ou la colère. L’expression « président jupitérien », qu’Emmanuel Macron n’a pourtant employée qu’une seule fois, est ainsi associée désormais à son quinquennat et à une conception du pouvoir jugée trop autoritaire.
Il est vrai qu’il ne peut exister d’équilibre parfait dans les relations entre un président et la presse : du général de Gaulle à François Hollande, tous les prédécesseurs d’Emmanuel Macron ont hésité avant lui entre la bienveillance et la dureté, comme entre la séduction et la défiance. Cet essai montre en outre que chacun d’entre eux, à un moment ou un autre de son mandat, a été tenté de mettre les journalistes au pas. Mais le risque est réel, lorsque Jupiter cherche à imposer ses vues à Mercure, de saper les fondements de sa propre légitimité. La capacité d’Emmanuel Macron à réinventer sa relation avec la presse sera ainsi l’un des enjeux de la fin de son quinquennat, et plus encore de son éventuelle réélection.
Alexis Lévrier est maître de conférences à l’Université de Reims, et chercheur associé au Gripic, laboratoire de recherche en sciences de l'information et de la communication du CELSA. Spécialiste de l’histoire de la presse, Alexis Lévrier a publié deux ouvrages aux Sorbonne Université Presses : Matière et esprit du journal (dir., avec Adeline Wrona, coll. « Histoire de l’imprimé », 2013) ; Les Journaux et de Marivaux et le monde des « spectateurs » (coll. « Lettres françaises », 2007).