Dans Winter Studies and Summer Rambles in Canada (1838), Anna Jameson (1794-1860) entremêle le récit de son voyage et sa quête d’indépendance. Ce texte longtemps négligé se révèle par sa richesse et sa dimension politique. Parcourant l’immensité canadienne en traîneau, en charrette ou en canoë ombrelle à la main, Anna Jameson fait de son expédition une aventure littéraire et politique et se livre à une peinture-écriture de la nature ainsi qu’à de nombreuses descriptions proto-ethnographiques. Entrepris au moment où elle souhaite se séparer de son mari, ce périple lui permet de traverser le jeune espace canadien et de partir à la rencontre des Premières Nations, en particulier des femmes anichinabées. C’est sous les traits d’une voyageuse attentive à leur condition de femmes autochtones qu’Anna Jameson apparait dans ce récit épistolaire : l’amie à qui elle s’adresse et plus largement toutes ses lectrices verront en elle un modèle d’émancipation féminine. En utilisant la littérature de mille façons pour s’élever, gagner son autonomie et promouvoir les droits des femmes, c’est la définition même du féminin qu’Anna Jameson redessine, et qui inspirera les premières féministes britanniques.
Anne-Florence Quaireau est professeure agrégée à l'UFR études anglophones de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université. Elle enseigne la littérature anglophone en licence, master MEEF et en préparation à l’agrégation, ainsi que la traduction en master. Sa recherche porte sur le récit de voyage féminin et la fiction britannique du XIXe siècle. Elle s’intéresse aux liens que la littérature entretient avec le politique, en particulier en ce qui concerne les questions d’identité et de genre. Elle est membre de l'unité de recherche Voix Anglophones Littérature et Esthétique (VALE).