Rue d'Alger : art mémoire, espace public
Cet ouvrage est le résultat du projet Rue d’Alger, initié par Alessandro Gallicchio.
Note de l'éditeur
En Méditerranée comme ailleurs, les sociétés portent les traces des matrices politiques et identitaires produites par leur passé. C’est ainsi que, discrètes ou flagrantes, les mémoires de périodes aujourd’hui révolues telles que la colonisation ou les régimes autoritaires perdurent dans les paysages comme dans les imaginaires des villes d’aujourd’hui. Quel est le sens de la permanence de ces mémoires dissensuelles dans l’espace public ? Quels sont leurs effets de long terme sur les sociétés? Depuis plusieurs décennies déjà, de nombreux acteurs (militants, artistes, chercheurs) ont entrepris de démontrer que les rapports inégaux du présent peuvent être éclairés à la lumière de l’histoire et de ses traces dans le présent. Pour certains, cette reconnaissance est devenue indispensable pour que soient construites des lectures plus apaisées du passé et qu’adviennent des sociétés plus respectueuses de la place de chacun. En ce début de XXIe siècle, les exemples se répondent aux quatre coins du monde pour que soient reconnues les souffrances du passé comme les inégalités du présent. Qu’ils inquiètent (séparatisme), amusent (folklore) ou convainquent (progressisme), ces mouvements, souvent regroupés sous le terme de post- ou dé-coloniaux, méritent d’être évalués afin de comprendre les mécanismes contemporains d’appropriation du passé et de son patrimoine, ainsi que la puissance du rôle qu’ils jouent dans la formation ou la contestation des espaces publics. Ce mouvement, qui associe justice mémorielle et activisme, était au cœur des œuvres des artistes regroupées pour l’exposition Rue d’Alger, tenue à Marseille en octobre 2020 lors de la biennale d’art contemporain Manifesta 13. Accompagnant cet événement, un ensemble de rencontres et de débats se sont tenus dont cet ouvrage vise à rendre compte. La vingtaine de contributions qui en résulte permet d’aborder la demande croissante de justice mémorielle aujourd’hui formulée par de nombreux acteurs, dans des États-nations contemporains qui s’enferment souvent dans le mépris des particularités et le déni des oppressions du passé.
L’ouvrage Rue d’Alger : art, mémoire, espace public est édité sous la direction scientifique de Pierre Sintès, maître de conférences HDR en géographie à Aix-Marseille université, membre du laboratoire TELEMMe de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme et spécialiste des relations entre territoire, identité, mémoire et société dans l’espace méditerranée.
Les contributions ont été écrites par des spécialistes des relations entre espace urbain, art et patrimoine. L’ouvrage fait dialoguer une vingtaine de textes de chercheurs en sciences humaines et sociales (histoire, histoire de l’art, anthropologie, géographie, sciences politiques), d’artistes mais également d’acteurs de la société civile ou encore de représentants institutionnels.
Alessandro Gallicchio est maître de conférences en histoire de l'art contemporain à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, membre du centre André Chastel, auteur du catalogue de l’exposition Rue d’Alger paru aux éditions MF en 2021.