Note de l'éditeur
La phrase française n’avait jusqu’à ce jour jamais été racontée. Or depuis le premier texte qui nous soit parvenu dans une langue distincte du latin (les Serments de Strasbourg en 842) jusqu’aux écritures numériques devenues notre quotidien, l’objet mouvant qu’est la phrase résiste à toute définition. Les linguistes eux-mêmes peinent à en proposer une description stable tant elle a évolué au fil des siècles. Et la notion elle-même n’est apparue qu’au xviiie siècle.
Afin de dévoiler tous les usages de la phrase, comme ses virtualités, cette histoire convoque de nombreuses pratiques culturelles où entrent en jeu l’oral et l’écrit : domaines religieux, éducatifs, politiques, juridiques, administratifs, journalistiques, commerciaux, et bien sûr la littérature. Elle explore ses aspects aussi divers que :
- le contact du français avec les autres langues (le latin d’abord, puis bien d’autres, comme l’anglais) et ses variations (patois, créoles, etc.) ;
- les rapports entre l’oral et l’écrit ;
- les fonctions du souffle, du rythme, de la prosodie, de la rhétorique ;
- la fonction littéraire de la phrase (quel rôle joue-t-elle pour l’écrivain ? quelles normes impose-t-elle ? qu’est-ce qu’un style personnel ou un style d’époque ?) ;
- le rapport de la phrase à la poésie (le vers la perturbe-t-il la phrase ?) et à la musique (chante-t-on une phrase comme on la dit ?) ;
- les fonctions sociales de l’écriture et de l’oralité (qui écrit et comment ? qu’est-ce qu’un peu-lettré ? quels sont les lieux des discours ?) ;
- l’importance des représentations savantes et normatives (grammaires, ouvrages de rhétorique, etc.) et des pratiques pédagogiques ;
- les mutations apportées par les révolutions technologiques successives (imprimerie, numérique).
Ainsi, au-delà de la phrase elle-même, ce livre fait-il découvrir au plus grand nombre l’étonnante « fabrique » de notre langue.
Cette entreprise inédite propose au lecteur un récit chronologique conduit par des spécialistes de chaque période et fondé sur l’exploitation directe de sources littéraires et non littéraires. Les nombreux textes observés sont toujours cités dans leur physionomie d’origine et parfois montrés en images (manuscrits, imprimés, cahiers d’écolier, SMS, etc.).
Gilles Siouffi est professeur à l'UFR de Langue française de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université.