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Premières fouilles archéologiques maroco-israéliennes dans les synagogues oasiennes d'Aguerd et de Tagadirt

Découvrez les derniers vestiges oasiens du patrimoine judaïque marocain en suivant les restaurations des synagogues d’Aguerd dans le Tamanart et de Tagadirt dans l'oasis d'Akka, à plus de 240 km d’Agadir, où une équipe multidisciplinaire fait revivre l’Histoire et les mémoires de ces lieux uniques.

Ces premières fouilles archéologiques s’inscrivent dans le cadre d’un programme scientifique pluriannuel sur le patrimoine judéo-marocain des régions atlasiques et sahariennes du Maroc.

Le projet de recherche « Lieux d’histoires, lieux de mémoires interconfessionnels des communautés oasiennes Maroc-Israël-Europe-Amérique du Nord », porté par David Goeury, est lauréat de l’appel "Emergences" 2022 de la Ville de Paris. Profondément interdisciplinaire et participatif, ce projet vise à analyser, partager et mettre en valeur ce moment charnière où à la fois les derniers porteurs de mémoires directes et les derniers bâtiments sont menacés de disparition par l’usure du temps et les mobilités.

Portrait de David Goeury

David Goeury est chercheur en géographie, membre du laboratoire Médiations-sciences des lieux, sciences de liens de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université où il est co-responsable de l’axe "Identifications et sociabilités". Après des travaux de recherche sur les marges et les marginalités dans les pays à revenus limités (Inde et Maroc), il développe une géographie des parties prenantes autour des questions de résilience des sociétés. Il interroge actuellement la transformation des biens communs fonciers dans le cadre d’une recherche action au Maroc et codirige une série de programmes de recherche sur la transformation des espaces oasiens autour de l’initiative Zerka.

Village d'Aguerd et synagogue de Tagadirt

Village d'Aguerd
Synagogue de Tagadirt

Contexte historique

Durant la seconde moitié du XXe siècle, les communautés juives des oasis quittent brutalement le Maroc. Ce départ, d’abord progressif dans le cadre de l’urbanisation et de la littoralisation des communautés juives marocaines, s’est accéléré du fait de l’émigration massive des familles juives vers Israël mais aussi vers l’Amérique du Nord ou l’Europe. Ces départs mettent fin à des logiques interconfessionnelles multiséculaires où les communautés juives avaient un rôle premier dans le grand commerce saharien. Les préoccupations patrimoniales se focalisent sur les cimetières et les synagogues qui vont être protégés avec l’appui des pouvoirs publics marocains. Parallèlement, des projets ambitieux de valorisation du patrimoine se sont développés dans les grandes villes marocaines par la création d’un musée juif à Casablanca (1997), d’une maison de la mémoire à Essaouira (Bayt Dakira, 2020) et la programmation d’un musée de la culture juive à Fès ou encore la restauration de la synagogue Assayag qui abrite un musée de la culture juive à Tanger depuis le mois d’août 2022.

Les traces matérielles de la présence des communautés juives dans les oasis marocaines, notamment architecturales, sont de plus en plus menacées d’effondrement après plusieurs décennies d’abandons. Ce projet de recherche vise à mener une opération d’envergure à un moment charnière où les derniers témoins se font de plus en plus rare et où les derniers bâtiments sont menacés de disparition par l’usure du temps.

Des archéologues, des anthropologues, des historiennes, historiens et des géographes marocains et israéliens se mobilisent pour mieux comprendre les trajectoires des communautés juives marocaines. En novembre 2021, ils étaient dans la province de Tata pour effectuer les premières fouilles archéologiques à la synagogue d’Aguerd Tamanart aidés par des spécialistes de la Kabbale et des écritures judéo-marocaines. L’ensemble des éléments trouvés ont été entreposés à Agadir, sous l’autorité de la Direction régionale de la culture. Le travail s'est poursuivit à Tagadirt en février 2023. Les deux sites ont été préservés de la menace d’effondrement grâce à des opérations de restauration d’urgence menées sous la conduite de Salima Naji, docteure en anthropologie et architecte.

Découvrir en vidéo


Les humanités numériques au cœur d’un projet de science ouverte et participative

Un outil d’aide à la recherche
Les oasis sont des lieux d’histoire essentiels à la compréhension de la pérennité multiséculaires des sociétés sahariennes. Il est nécessaire d’avoir une approche pluridisciplinaire liant archéologie, anthropologie, architecture, histoire et géographie. La complexité de ce travail nécessite d’investiguer de nouvelles logiques de collaborations scientifiques associant chercheurs et chercheuses en sciences sociales, porteurs et porteuses de mémoire et société civile. Seule des plateformes collaboratives permettent de faciliter le partage et l’analyse de données entre tous ces acteurs et actrices. L’objectif étant de développer la recherche action interdisciplinaire afin d’étudier la complexité des relations interconfessionnelles juives et musulmanes tout en les articulant aux enjeux mémoriels actuels.

Un outil interactif et ludique tourné vers le grand public

Le projet souhaite aussi mobiliser l’outil vidéo-ludique pour générer une dynamique de découverte tournée vers le grand public. Il vise à développer des parcours ludique de visite sous forme de jeu de piste en partenariat avec l'entreprise innovante baludik.fr. Les visiteurs et les visiteuses pourront revivre les étapes de la fouille archéologique et découvrir le site à partir de cartes historiques, plans, images d’archives, images panoramiques et dispositifs de réalité augmentée !
Par ailleurs, l'équipe développera des outils scientifiques collaboratifs par la création d’un carnet de recherche du suivi du projet sur le site Hypothèse.org et l’utilisation de logiciels permettant de tracer les pièces archéologiques du lieu de fouilles jusqu’au musée.

 

Porteurs et porteuses du projet

  • Saghir Mabrouk, professeur à l’institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine de Rabat au Maroc
  • Yuval Yekutieli, archéologue et professeure à l’Université Ben Gourion du Néguev en Israël
  • Orit Ouaknine, professeure en anthropologie à l’Université de Ben Gourion du Néguev en Israël
  • Salima Naji, docteure en anthropologie et architecte
  • David Goeury, au laboratoire Médiations - Sciences des lieux, sciences des liens de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université
  • Aomar Boum, anthropologue et professeur à l'Université de Californie de Los Angeles aux Etats-Unis

 

Médiations, un laboratoire de géographie au sein de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université

L’unité de recherche Médiations – Sciences des lieux, sciences des liens est une entité qui ambitionne de promouvoir les interactions entre la Géographie et les autres sciences humaines et sociales et plus généralement les autres champs du savoir. Son objectif est de s’emparer d’une vaste gamme de thèmes liés à toutes les formes de médiations dans l’espace des sociétés. Les transactions sociales, économiques et politiques, envisagées par l’entrée spatiale ou territoriale, les échanges et les communications comme mises en relations sociales, la recherche de solutions aux conflits autour de l’aménagement, les paysages construits, négociés, labellisés, classés et valorisés, la gestion des environnements, des pratiques et des politiques environnementales, la question des ressources, le développement et la valorisation des savoir-faire, les pratiques adaptatives ou transgressives dans l’espace des sociétés, la question de l’intégration des individus et des groupes sociaux dans leurs singularités sont parmi les grands champs d’investigation.

3 axes scientifiques

  • Échanges et circulations animé par Hadrien Dubucs et Catherine Fournet-Guérin
  • Paysages, ressources et savoir-faire en construction animé par Xavier Desjardins et Éric Fouache
  • Identifications et sociabilités  animé par David Goeury et Olivier Milhaud

Collaborations établies dans le cadre du projet pilote d’Aguerd Tamanart

  • Ministère de la jeunesse, de la culture et de la communication du Maroc
  • Communauté israélite d’Agadir
  • Center for the Research of the Middle East and Diplomacy, Israël
  • Collectivités territoriales marocaines
  • L’Association les gardiens de la mémoire,Tiznit
  • Le Centre Marocain des Recherches Patrimoniales et Rencontres Culturelles (CMR) Rabat
  • L’Observateur du Maroc et d’Afrique (médias)


Parutions

Résonances oasiennes

Par Marc Breviglieri, Noha Gamal Said et David Goeury

Approches sensibles de l'urbain au Sahara