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Conférence de lancement du projet ERC PECUNIA

Pouvoir et probité publique : Formulations antiques et perspectives contemporaines

Cette conférence de lancement du projet ERC PECUNIA. Private interests in public functions: Framing a new paradigm of power in the cities of the Roman empire, from the end of the Republic to Diocletian propose une réflexion collective sur la « probité publique » dans l’Empire romain. À la croisée de la pratique, des constructions culturelles et des systèmes légaux, il s’agit de réfléchir à la définition de la probité publique, à sa mise en œuvre, sa perception, voire son instrumentalisation politique, à la fin de l’époque hellénistique, dans la Rome républicaine et au Haut-Empire. Cette journée inclut également un regard sociologique sur des situations contemporaines, dans un effort interdisciplinaire pour qualifier les phénomènes étudiés. Cette rencontre liminaire permet ainsi de poser collectivement des enjeux centraux de ce programme de recherche sur les intérêts privés dans les fonctions publiques et d’en présenter les méthodes.

  • Le 18 oct. 2024

  • 09:00 - 18:30
  • Conférence
  • Maison de la Recherche, salle D040.

    Inscription obligatoire par courriel avant le 11 octobre.

Poser la question de la probité publique, comme le propose cette journée d’étude, c’est envisager dans le même temps la corruption du pouvoir et les moyens de la limiter, grâce à une culture partagée par les parties prenantes du corps politique et par l’existence d’institutions formelles ; c’est interroger les discours politiques utilisant la probité publique et même l’instrumentalisant, mais aussi constater un exercice possiblement non fautif du pouvoir par les agents, soit par conscience, soit par intérêt. Les manquements à la probité par des personnes exerçant une fonction publique, définis en France dès le premier Code pénal de 1791 et formant aujourd’hui l’intitulé d’une section, ne se réduisent pas à un unique terme descripteur dans les sociétés anciennes. Pourtant, des infractions à la probité publique recouvrent des sphères comparables de l'activité des détenteurs du pouvoir, qu’il s’agisse de concussion, de détournement de fonds et de biens publics ou de favoritisme dans l’attribution des marchés publics. Les cités de la fin de l'époque hellénistique et les différents niveaux du pouvoir dans l'Empire romain offrent d'étudier des configurations historiques complexes de la construction et la mise en œuvre de la probité publique.

Le projet PECUNIA porte sur l’accès, licite ou non, à des ressources matérielles et financières grâce à une position publique dans les cités de l’Empire romain, sur les représentations partagées de ces bénéfices possibles et sur leur régulation. Or l’administration des notables, selon la définition wébérienne appliquée par Paul Veyne aux cités de la fin de l’époque hellénistique et du monde romain, serait notamment caractérisée par son innocuité pour les communautés concernées, étant extensive, peu coûteuse ou gratuite pour le public, et menée à titre d’occupation secondaire. De plus, la rhétorique de l’éloge prégnante dans beaucoup d’inscriptions honorifiques de l’époque romaine met l’accent sur des vertus personnelles déployées au service de la communauté, telles que l’amour de la patrie ou le désintéressement, et sur les dépenses privées des notables à destination de leur cité.

Ce cadre conceptuel comme le discours prédominant dans les sources offrent ainsi une résistance à l’analyse des intérêts privés, même légaux et moralement acceptés, dans les affaires publiques à l’échelle locale. Trois raisons principales conduisent à poser la question de la « probité publique » dans le cadre de travaux collectifs à l’orée du projet PECUNIA :

  • parce que des sources, juridiques, épigraphiques, ou encore littéraires, en parlent, preuve qu’en dépit d’une visibilité secondaire au niveau local du moins, la question se posait
  • disposer d’un cadre de réflexion général sur la probité du pouvoir, son attente, sa vérification, permet d’expliciter des règles légales ou des appréciations culturelles encadrant des intérêts privés dans les fonctions publiques au niveau de base de l’Empire, celui des cités
  • tout autant qu’un cadre, la réflexion de cette journée est susceptible de montrer aussi le jeu dans la définition et l’utilisation de la probité publique, souvent soumise à interprétation, comme on le voit par exemple en confrontant les pratiques dans les cités grecques des provinces orientales au regard romain, ou encore des situations anciennes à un regard analytique contemporain.

Cette journée est ainsi l’occasion de bénéficier de l’apport des recherches menées sur les contrôles des magistrats et la vie financière à l’époque hellénistique et républicaine, sur les modes de gouvernement des provinciaux à l’époque républicaine, sur les discours de légitimité et les techniques du pouvoir impérial et de l’administration romaine au Haut-Empire. Elle permet également d’ouvrir de nouvelles pistes. Dans l’Empire romain, des valeurs aristocratiques, composant un éthos de l’acquisition et de la dépense d’argent et de biens, et une culture administrative coexistaient et s’amalgamaient dans l’exercice du pouvoir à tous les niveaux. L’empereur, les cercles sénatoriaux et les agents de l’administration romaine étaient en position de formuler l’importance de la probité publique comme vertu de gouvernement, centrale ou non dans la pratique du pouvoir. Cette notion se trouve à l’intersection d’un référentiel moral et juridique, et relève d’un vocabulaire complexe : par exemple, en latin, probus, honestus ne correspondent pas à l’usage actuel en français, tandis qu’en grec de nombreux adjectifs et adverbes sont utilisés pour qualifier cette conduite. La notion de probité publique est d’abord construite par ceux-là même qui doivent la mettre en œuvre, en disent l’importance, voire l’instrumentalisent. En retour, employée par la société concernée face à ses gouvernants et administrateurs, cette notion désigne une attente ou des représentations particulières : en témoignent par exemple l’emploi, dans des inscriptions provenant des diverses parties de l’empire, de qualificatifs en ce sens pour les détenteurs du pouvoir à plusieurs niveaux, ou les remarques fatalistes, dans les romans ou la littérature non officielle, sur le manque habituel de probité des gouvernants.

En partant de cette notion inscrite dans des codes culturels et légaux, qui relève d’une perception sociale et de normes qui peuvent être plurielles dans une société où lois locales et lois impériales peuvent différer, nous proposons d’examiner la définition et la circulation de cette valeur du haut en bas de l’échelle des pouvoirs dans le monde grec et dans le monde romain de la fin de la République au Haut-Empire. Pour cette question, comme dans le projet ERC PECUNIA, il s’agit aussi de réfléchir en termes structurels, d’où l’intérêt d’une ouverture interdisciplinaire : l’attente d’une certaine dose de probité des agents du pouvoir et les infractions à cette norme plus ou moins bien définie, parfois de nature plus morale ou religieuse que légale au fil de l’histoire, se présente comme une caractéristique des relations de pouvoir dans la variété de leurs manifestations. Un regard sociologique vient ainsi éclairer les approches de l’éthique des agents de l’État et des détenteurs du pouvoir politique, posant la question de la régulation des acteurs dans le cas de contextes culturels et juridiques différents.

9h-9h10 : Accueil
9h10-9h20 : Mot de bienvenue par Jean-Baptiste RAUZY, vice-doyen de la recherche et valorisation du doctorat, Faculté des Lettres, Sorbonne Université
9h20-9h40 : Introduction par Anne-Valérie PONT, Sorbonne Université

9h40 : Session 1. Culture et institutions de la probité publique dans les cités hellénistiques et dans la Rome républicaine
Présidente de séance : Marie-Christine MARCELLESI, Sorbonne Université

  • Pierre FRÖHLICH, Université Bordeaux Montaigne : Contrôler et sanctionner les détenteurs de pouvoir dans les cités grecques à l’époque hellénistique : un cadre théorique inefficace ou une clef de voûte des régimes démocratiques ?
  • Lisa Pilar EBERLE, Eberhard-Karls Universität Tübingen-University of Edinburg : Office, ethics and empire in Republican Rome.

Discussion    

11h-11h20 : Pause-café, 3e étage de la Maison de la Recherche

11h20 : Session 2. Ethos aristocratique, argent et perceptions publiques, à Rome et dans les cités de l’Orient romain
Président de séance : Giusto TRAINA, Sorbonne Université

  • Frédéric HURLET, Université Paris Nanterre : Pecuniam magnam bono modo inuenire. Le rapport ambivalent de l’aristocratie romaine à l’argent.
  • Angelos CHANIOTIS, Institute for Advanced Study, Princeton : Philotimos and philopatris: Rhetorical fictions and political realities in the Roman East

Discussion

14h30 : Session 3. Définir et mettre en œuvre la probité publique dans l’État romain à l’époque impériale
Président de séance : Michel CHRISTOL, Panthéon-Sorbonne

  • Clifford ANDO, University of Chicago : Public integrity and public funds: The view from the law.
  • Pauline CUZEL, Otto-Friedrich-Universität Bamberg : Tous complices ? Fides et co-responsabilité dans l’entourage des gouverneurs de provinces.

Discussion

15h50-16h10 : Pause-café, 3e étage de la Maison de la Recherche

16h10 : Session 4. Enjeux et méthode d’une enquête systématique à l’échelle civique dans le projet PECVNIA
Président de séance : Denis ROUSSET, École Pratique des Hautes Études

  • Anne-Valérie PONT : La probité publique dans le gouvernement des notables : une vertu secondaire ? Sociodicée et attentes collectives dans les cités du monde romain.
  • Cédric TARBOURIECH, Sorbonne Université : Base de données et ontologie. Comparaison et intérêts pour la recherche en histoire.

Discussion

17h30 : Ouverture : Regards sociologiques sur la probité publique dans l’espace européen contemporain
Discutant : Benjamin LEMOINE, CNRS

  • Sofia WICKBERG, University of Amsterdam : La mise en œuvre différenciée des politiques de probité publique dans l’espace européen.

Discussion finale

Organisation

  • Anne-Valérie Pont, porteuse du projet PECUNIA, enseignante-chercheuse à l’UFR d’Histoire, unité mixte de recherche "Orient & Méditerranée", Sorbonne Université

Intervenantes et intervenants

  • Clifford Ando, University of Chicago
  • Angelos Chaniotis, Institute for Advanced Study, Princeton
  • Pauline Cuzel, Otto-Friedrich-Universität Bamberg
  • Lisa Pilar Eberle, Eberhard-Karls Universität Tübingen-University of Edinburg
  • Pierre Fröhlich, Université Bordeaux Montaigne
  • Frédéric Hurlet, Université Paris Nanterre
  • Anne-Valérie Pont, Sorbonne Université
  • Cédric Tarbouriech, Sorbonne Université
  • Sofia Wickberg, University of Amsterdam

Lieu de l'événement

Maison de la Recherche
salle D040

28, rue Serpente 75006 Paris

Sorbonne Université - Faculté des Lettres
Maison de la recherche
28 rue Serpente 75006 Paris
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Orient et Méditerranée, textes - archéologie - histoire

L'unité mixte de recherche Orient et Méditerranée rassemble, pour les domaines qu’elle fédère, une grande partie des forces de la recherche française. Ses travaux s’appliquent à un espace géographique cohérent, la Méditerranée, sur une longue durée allant du monde pharaonique à l’aube de la Renaissance. Elle fait appel à l’ensemble des disciplines des sciences humaines.