Martianus Capella et la circulation des savoirs dans l’Antiquité tardive
Œuvre centrale dans la transmission des savoirs entre Antiquité tardive et Moyen Âge, les Noces de Philologie et de Mercure de Martianus Capella reflète aussi un besoin de sauvegarde des savoirs dans un contexte de profondes transformations politiques, religieuses et linguistiques au Ve siècle.
Présentation
Œuvre centrale dans la transmission des savoirs entre Antiquité tardive et Moyen Âge, les Noces de Philologie et de Mercure de Martianus Capella sont aussi l’écho ou le miroir de textes perdus et de matériaux disparus. Cette encyclopédie allégorique, enchâssée dans un récit prosimétrique qui se présente comme inspiré par Satura, témoigne des échanges et des transferts culturels au sein d’un monde en pleine mutation : encore bien ancrée dans l’Antiquité par ses sources, ses modèles et ses codes littéraires, elle reflète aussi un besoin de sauvegarde des savoirs dans un contexte de profondes transformations politiques, religieuses et linguistiques.
À cet égard, il est significatif que Martianus Capella, dans un mélange de sérieux et de comique, transmette à son fils, comme en un testament, un large aperçu des savoirs qu’un homme de lettres originaire de Carthage peut maîtriser au Ve siècle, mais aussi, de façon plus allusive, un ensemble de représentations philosophiques et spirituelles qui sous-tendent son rapport à la connaissance : néoplatonisme, hermétisme ou encore théologie chaldaïque fournissent ainsi des éléments constitutifs du cadre des exposés de Grammaire, Dialectique, Rhétorique, Géométrie, Arithmétique, Astronomie et Harmonie, dans un récit qui fonctionne volontiers par énigmes, établissant une connivence avec le lecteur capable d’en décrypter l’arrière-plan. Si l’œuvre de Martianus, avec toutes ses spécificités et son originalité, s’inscrit dans un mouvement de sauvegarde des connaissances anciennes bien attesté par ailleurs dans l’Antiquité tardive (qu’il s’agisse du contenu des exposés des artes ou encore de l’intérêt mythographique et antiquaire qui imprègne le récit allégorique), elle devient à son tour une source pour les auteurs latins postérieurs, de manière d’abord relativement discrète, puis beaucoup plus marquée à partir du IXe s.
Ce double statut des Noces de Philologie et de Mercure, à la fois synthèse de savoirs anciens formulés en grec ou en latin et vecteur de leur transmission à la postérité latinophone, invite à considérer le rôle de Martianus Capella dans l’histoire de la transmission tardo-antique des savoirs de manière diachronique et dynamique : tributaire des modes de circulation des différents types de connaissances en grec et en latin au Ve s. (sous des formes dont le détail matériel reste à explorer), Martianus devient à son tour acteur de cette circulation tardo-antique avant d’être l’un des auctores par excellence de l’encyclopédisme médiéval. C’est ce rôle charnière de l’œuvre de Martianus dans la circulation tardo-antique des savoirs qui est organisé les 8 au 9 avril.
En adoptant des approches relevant de plusieurs disciplines (philologie, littérature, histoire, philosophie, histoire des sciences, etc.), on explorera en particulier les problématiques suivantes :
- En quoi les modalités de circulation des savoirs aux IVe et Ve siècles permettent-elles de mieux comprendre le projet encyclopédique de Martianus Capella ? On s’intéressera aux connaissances scientifiques transmises dans les exposés des disciplinae cyclicae, mais aussi à l’érudition antiquaire qui parcourt le récit allégorique et aux conceptions philosophiques voire religieuses qui le sous-tendent.
- Quels sont les savoirs et sources attestés dans les Noces de Philologie et de Mercure, quels types de rapports à ces sources y apparaissent (adaptation, compilation, traduction, réécriture, mise en scène dans un cadre littéraire spécifique, etc.), mais aussi quelles sont les limites des connaissances de Martianus ? Quelles déformations ou transformations le projet encyclopédique de Martianus implique-t-il dans la fonction même des sources utilisées ?
- Comment la réception de Martianus contribue-t-elle à la circulation tardo-antique des savoirs, au prix parfois de distorsions par rapport à son projet intellectuel ? Prenant la notion d’Antiquité tardive dans un sens volontairement large, on considérera la période qui va de la rédaction de l’œuvre jusqu’aux exégèses carolingiennes qui confèrent définitivement au texte son statut d’autorité.
Comité scientifique
Jean-Frédéric Chevalier (Université de Lorraine), Carmen Codoñer (Université de Salamanque), Lucio Cristante (Université de Trieste), Alessandro Garcea (Faculté des Lettres de Sorbonne Université) et Jean-Baptiste Guillaumin (Faculté des Lettres de Sorbonne Université / IUF).
Jeudi 8 avril
9h15 : Introduction
Présidence : Alessandro Garcea (Sorbonne Université)
9h30. Lucio Cristante (Università di Trieste) : « Struttura dell'opera e struttura del libro »
10h10. Vanni Veronesi (Università Ca' Foscari di Venezia) : « Note sulla storia della tradizione delle Nuptiae »
10h50. Jean-Frédéric Chevalier (Université de Lorraine) : « Le théâtre : une voie d’accès aux savoirs dans les Noces de Philologie et de Mercure de Martianus Capella ? »
11h30. Discussion
Présidence : Jean-Frédéric Chevalier (Université de Lorraine)
14h. Min-Jun Huh (Université de Séoul) : « La théorie des cinq prédicables chez Martianus Capella (IV, 344-348) au regard des commentaires néoplatoniciens à l'Isagogè de Porphyre »
14h40. Jean-Baptiste Guillaumin (Sorbonne Université) : « Le livre VIII des Noces de Philologie et de Mercure dans la transmission des savoirs astronomiques antiques »
15h20. Manuel Ayuso García (Universidad Nacional de Educación a Distancia, España) : « Algunos hapax y rariora de la Geometría de Marciano Capela: su transmisión y pervivencia en la Edad Media »
16h. Discussion
Vendredi 9 avril
Présidence : Lucio Cristante (Università di Trieste)
9h30. Béatrice Bakhouche (Université Paul Valéry Montpellier 3) : « Le Timée et son enseignement dans les Noces de Philologie et de Mercure»
10h10. Chiara Ombretta Tommasi (Università di Pisa) : « Martianus et la disparition des oracles : quelques remarques sur la digression de I,9-11»
10h50. Jean-Yves Guillaumin (Université de Franche-Comté) : « Augustin, Cité de Dieu V, 26, répond-il à Martianus, Noces de Philologie et de Mercure IX, 997-1000 ? »
11h30. Discussion
Présidence : Carmen Codoñer (Universidad de Salamanca)
14h. Jacques Elfassi (Université de Lorraine) : « Martianus Capella chez Isidore de Séville »
14h40. Sinead O’Sullivan (Queen’s University Belfast) : « Martianus Glosses, Encyclopaedism, and Knowledge in the Carolingian Age »
15h20. Discussion et conclusions
Organisateurs et partenaires
Ce colloque est organisé par la Faculté des Lettres de Sorbonne Université en collaboration avec l'équipe d'accueil 4081 Rome et ses renaissance et l'institut universitaire de France.