Portraits d’hommes et de femmes illustres de l’Antiquité au XVIIe siècle

1)    Ordre, série, comparaison
Une première question est celle de la sélection et de l’ordonnancement des portraits. Il conviendra d’identifier les grands modèles de la biographie collective produits par les Grecs et les Latins (Cornélius Nepos, Plutarque, Suétone, Diogène Laërce, Sextus Aurelius Victor…) et d’étudier leur fortune et leur évolution. On s’intéressera aux critères de sélection des personnages illustres, aux processus d’exclusion et d’inclusion de certaines minorités (sexuelle, ethniques, politiques, religieuses) et, le cas échéant, à ceux de leur hiérarchisation. De ce point de vue, le problème de l’intégration des femmes illustres dans les catalogues ou de leur ségrégation dans des catalogues séparés ne fait pas exception. On pourra alors discuter de la vocation encyclopédique des portraits d’hommes et de femmes illustres et de la possibilité théorique et pratique de bâtir une histoire universelle.

2)    Réseaux et milieux
Un autre aspect de la biographie collective, de l’Antiquité à la Renaissance, est au contraire son aptitude à reconstituer des réseaux spécifiques par discipline, corporation, milieu social ou culturel. Les galeries de portraits d’hommes et de femmes illustres apparaissent à bien des égards comme les ateliers de la prosopographie moderne. On pourra étudier la progressive mise en place de méthodes toujours actuelles : recensement d’une population, analyse des sources littéraires, mais aussi épigraphiques ou numismatiques, élaboration de notices individuelles construites sur un même modèle, peinture de visages (prosopon, persona) aux traits caractéristiques et communautaires, mise en relation des individus dans une structure artificielle qui s’efforce de restituer les liens socio-historiques. On s’intéressera aussi aux nombreux « illustres méconnus », ces hommes et ces femmes dont on a perdu la mémoire ou qui ne sont jamais vraiment entrés dans la mémoire collective, voire à ceux qui n’ont jamais existé et dont le portrait résulte d’effets de système (combinaisons, confusions…).

3)    Identité, répétition et évolution
La perspective diachronique fait apparaître, avec la multiplication des vies parallèles et des catalogues écrits ou peints, une autre forme de répétition : la série des portraits littéraires et iconographiques d’un même personnage illustre. Certains héros ou héroïnes ont, en effet, eu une fortune particulière car ils ont incarné, à des époques diverses, des valeurs ou des idées fondamentales. On pourra donc ou bien étudier comment le portrait d’un homme ou d’une femme illustre s’est précisé et fixé avec le temps ou bien au contraire retracer son évolution et ses métamorphoses. Il conviendra, en comparant des portraits d’époques, d’origines ou de techniques diverses, de montrer leurs similitudes et leurs différences et de rendre compte de celles-ci. L’enquête s’ouvre sur le vaste champ de l’interprétation et de l’exégèse des textes et des images célébrant les hommes et femmes illustres.

4)    Texte et image
Les portraits d’hommes et de femmes illustres ont enfin pour particularité d’être un argument récurrent à la fois dans la littérature et dans les arts. Dès son apparition, avec les Imagines de Varron, le genre est lié aux collections d’œuvres d’art : promenades de statues, processions de figures à fresque, collections de médailles, galeries de portraits peints… Mieux, les portraits de personnages illustres mêlent et articulent souvent, et de multiples façons, le texte et l’image sur le modèle de l’association du titulus à l’imago : inscription dans l’image, notice placée sous le tableau, ekphrasis d’un objet d’art, enluminure du manuscrit, gravure adjointe à la biographie, programme iconographique de décors pariétaux… L’étude nécessite par conséquent la mise en relation méthodique de témoignages écrits et de monuments figurés et invite à un dialogue entre les disciplines de l’histoire, de l’histoire de l’art et de la littérature.