Milieux extrêmes et critiques face au changement climatique
Climat, territoire, environnement
Connaissons-nous un tournant dans le changement climatique, voire d’un point de rupture comme le laissent craindre les conséquences épidémiologiques de la fonte du pergélisol en Sibérie lors de l’épisode caniculaire de l’été 2016 ?
Les anomalies ou écarts par rapport à l’état préindustriel ou à des moyennes de référence (sur trente ou soixante ans) se multiplient, à toutes les échelles (globale, régionale, locale) et à tous les pas de temps (année, décennie, siècle) : vague de chaleur record en Arctique ; fonte plus rapide que prévue des glaciers alpins entre 2 400 et 3 500 m ; baisse de croissance et diminution de la survie des chênes en Europe à l’horizon 2070-2100 dans les parties sud et sud-est de leur aire de distribution actuelle ; croissance prévisible des chênaies en Écosse, Norvège, Suède et nord-est de la Pologne ; modification de la trajectoire des tempêtes tropicales d’origine caribéenne ; remontée des ouragans sur la façade est des États-Unis, vulnérabilité accrue de la côte atlantique nord-américaine face à la remontée du niveau marin et en dépit des effets compensateurs du rebond postglaciaire, aggravation et multiplication de certains extrêmes comme les canicules...
Dans un entretien au journal Le Monde paru le 9 novembre 2015, Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail n°1 (« Éléments scientifiques des changements climatiques ») du GIEC, souligne qu’« un changement climatique non maîtrisé aura des impacts négatifs, qui domineront largement les effets positifs », mais que « la réticence s’exprime de bien des manières ».
Cet ouvrage a pour objet de faire se rencontrer des chercheurs venus d’horizons différents, et notamment des géographes s’étant saisis de cette interface. Le présent recueil rassemble huit articles, suivis d’une conclusion du grand témoin de cette séance, Laurence Eymard : cinq traitent de l’impact mesuré ou modélisé des changements climatiques sur l’agriculture et les écosystèmes ; deux abordent la perception sociale des variations environnementales ; la dernière se propose d’intégrer des temporalités plus longues dans l’analyse.
Les territoires traités, très variés, ont été regroupés en trois ensembles :
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les milieux dits critiques, c’est-à-dire particulièrement sensibles à l’irrégularité et au changement climatique, du fait de la combinaison entre une situation géographique (plaines d’inondation du bassin amazonien, coteaux viticoles dans le monde, milieu insulaire d’Oléron ou milieu deltaïque de Camargue), et des enjeux liés à la concentration des populations et à la spécialisation de l’utilisation du sol ;
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les milieux dits extrêmes, car situés aux extrêmes du gradient climatique, et où les effets du changement climatique sont déjà observables et importants : l’Afrique de l’Ouest, la Laponie suédoise, le massif franco-italien de l’Argentera- Mercantour ;
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enfin, le dernier territoire, les montagnes d’Oman, illustre l’apport d’une approche géoarchéologique permettant de traiter de l’interface CTE sur le temps long du Quaternaire.
Marianne Cohen est professeure de géographie à la faculté des Lettres de Sorbonne Université, ainsi que membre du Laboratoire Médiation et de l'Institut de la transition environnementale (ITE).
Christian Giusti est professeur en géographie physique à la faculté des Lettres de Sorbonne Université, ainsi que directeur de la collection "Géographie" aux Sorbonne Université Presses.